Abolition des dettes fiscales (Rome 119)

Dette

Ce sesterce de 119 à l’effigie de l’empereur Hadrien (117-138) célèbre la décision qu’il prit à son avènement d’abolir les
reliqua vetera
, le registre des dettes que les citoyens romains avaient accumulées pendant les 16 années précédentes.
Le revers de cette pièce montre trois citoyens acclamant la destruction par le feu des rouleaux de compte ; sa légende précise que la somme était énorme :  9000 sesterces.

Hadrien se montrait ainsi plus démagogue et tacticien que généreux : il obtenait le soutien du peuple par un geste que nul ne pourrait répéter avant longtemps.
Il était d’ailleurs plus spectaculaire  que coûteux : la somme obtenue l’avait été par le jeu des intérêts cumulés. Trajan, toujours à guerroyer, avait laissé ces dettes courir au delà du raisonnable. Elles ne seraient jamais remboursées et, si le total frappait les esprits, le principal (la perte effective) était bien moindre. En outre, l’avènement d’Hadrien lui donnait les moyens de renflouer le Trésor public. Moyens violents, certes, mais chirurgicalement nécessaires : Hadrien manquait de légitimité.

Trajan avait hésité sur le nom de son successeur. A sa mort en 117, les troupes d’Hadrien l’avaient désigné pour prendre le contrôle de l’empire. Autrement dit, Hadrien s’était auto-proclamé
imperator
.
Pour donner à ce titre un contenu réel, il acheta sa tranquillité dans le bassin du Danube, retira ses troupes de la région du Tigre et de l’Euphrate et fit exécuter les généraux qui étaient en charge, les
quatre consulaires
parce qu’ils auraient pu le contester.

Enfin, pour obtenir du Sénat qu’il le confirme et valide l’exécution de ses concurrents…

il se hâta de se rendre à Rome, où, pour mieux effacer les impressions sinistres que l’on avait prises de lui, il donna au peuple un double congiaire,[1] quoique déjà, avant son retour, il lui eût fait distribuer trois pièces d’or par tête.[2] Dans le Sénat aussi, il se justifia sur ce qui s’était passé, et fit serment que jamais il n’infligerait aucune peine à un sénateur, que sur l’avis du sénat. Il établit que les frais de la poste publique seraient désormais à la charge du fisc, et soulagea ainsi de ce fardeau les magistrats.[3]
N’omettant rien de ce qui pouvait lui concilier la faveur du peuple, il fit grâce aux citoyens de Rome et de l’Italie des sommes très considérables qu’ils devaient au fisc; il remit également aux provinces les dettes dont elles restaient grevées, et, pour donner aux débiteurs plus de sécurité, il fit brûler dans la place de Trajan toutes leurs obligations et tous les comptes. Il voulut que désormais les biens des condamnés entrassent, non plus dans la caisse du prince, mais dans le trésor public.
Il augmenta aussi, en faveur des enfants de l’un et de l’autre sexe, les distributions de vivres et les libéralités auxquelles Trajan les avait admis.[4]
Pour les sénateurs qui avaient perdu leur fortune sans que leur ruine pût être imputée à leur faute, il compléta le cens requis pour la dignité sénatoriale,[5] ayant égard au nombre de leurs enfants; et la plupart jouirent de cette libéralité sans interruption jusqu’à leur mort. Il aida d’autres citoyens à soutenir les dépenses de leurs charges, et répandit ses largesses indistinctement sur ses amis et sur ceux qui n’avaient avec lui aucune relation personnelle. Il assura aussi à plusieurs femmes des moyens de subsistance.
Il donna au peuple pendant six jours entiers des combats de gladiateurs; et, au jour anniversaire de sa naissance, il fit paraître dans l’arène mille bêtes féroces.

Source: Aelius Spartianus. Vie de l’empereur Hadrien. VII.

Notes

[1] Ce mot, venu de congius, mesure romaine, désigne les distributions que les empereurs faisaient au peuple; on appelait donativum les largesses qu’ils faisaient aux soldats.
|2] Cette monnaie d’or valait 25 deniers, ou 100 sesterces.
|3] Auguste avait déjà institué une poste (cursus publicus) destinée à le mettre rapidement au courant de ce qui se passait dans les provinces: « Quo celerius ac sub manum annuntiari, cognoscique posset quid in provincia quaque gereretur, juvenes primo modicis intervallis per militares visa, dehinc vebicula, disposuit commodius id visum est, ut qui a loco eidem perferrent hueras, interrogari quoque, si quid res exigerent, possent. » (Suétone, Aug., c. xlix.) Les provinces étaient chargées de fournir les chevaux et les voitures, et les magistrats de diriger et de surveiller la marche de ce service. Hadrien l’établit sur de nouvelles bases, en fit une institution directement administrée par les officiers, dont le fisc faisait les frais, et qui ne servait plus seulement à transporter les nouvelles, mais aussi les magistrats qu’il envoyait dans les provinces, et les fonds qui rentraient au trésor, ou qui en sortaient pour être distribués soit aux armées, soit dans les diverses parties de l’empire.
[4] Avant Auguste, les enfants au-dessous de onze ans n’étaient point admis aux distributions de vivres. Ce prince dérogea le premier à cet usage; mais Trajan alla plus loin : il établit pour eux le droit permanent de prendre part, comme les autres, à ces largesses (Pline le Jeune, Panégyrique de Trajan).
|5] Auguste avait porté le cens des sénateurs de huit cent mille sesterces à douze cent mille (Suétone, Aug., c. xli.)

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