Atelier paradigme 002

Critique du Manifeste convivialiste

La lecture détaillée que vous trouverez ci-après se veut aussi sèche et claire que possible, avec un but précis : faire apparaître ce que ça change si l’on prend la décision que je propose pour fonder le nouveau paradigme : celle, politique, de donner priorité au dépassement des conflits inutiles et à la réduction des souffrances évitables.

Les raisons s’en trouvent :
– dans divers courriels que j’ai envoyés en mai à ceux des membres du club convivialiste qui semblent s’intéresser à la question du changement de paradigme,
– et sur ce blog, dans l’article « L’approche relationnelle » ainsi que, dans l’article « Atelier paradigme 001 » (Courriel à Alain Caillé daté du 3 juin 2018 à 10h33, diffusé par ailleurs aux mêmes membres).


NB. Dans la suite de cette
lecture
, le Manifeste, puisque, comme moi, vous l’avez lu et signé, et qu’il est toujours disponible sur le Site
Les Convivialistes
n’apparaît que pour rappel, en italiques et en petit caractères.


Abrégé du manifeste convivialiste

Déclaration d’interdépendance

Jamais l’humanité n’a disposé d’autant de ressources matérielles et de compétences techniques et scientifiques. Prise dans sa globalité, elle est riche et puissante comme personne dans les siècles passés n’aurait pu l’imaginer. Rien ne prouve qu’elle en soit plus heureuse. Mais nul ne désire revenir en arrière, car chacun sent bien que de plus en plus de potentialités nouvelles d’accomplissement personnel et collectif s’ouvrent chaque jour.
Pourtant, à l’inverse, personne non plus ne peut croire que cette accumulation de puissance puisse se poursuivre indéfiniment, telle quelle, dans une logique de progrès technique inchangée, sans se retourner contre elle-même et sans menacer la survie physique et morale de l’humanité. Les premières menaces qui nous assaillent sont d’ordre matériel, technique, écologique et économique. Des menaces entropiques. Mais nous sommes beaucoup plus impuissants à ne serait-ce qu’imaginer des réponses au second type de menaces. Aux menaces d’ordre moral et politique. À ces menaces qu’on pourrait qualifier d’anthropiques.

L’a priori universaliste est marqué dès le début : les Convivialistes parlent au nom de l’humanité. Je sympathise avec l’émotion qui les inspire mais je note tout de suite qu’il n’y a pas d’unanimité, ni sur la composition de l’humanité, ni sur les points de vue esquissés dans cette déclaration d’interdépendance.

La mention de notre « impuissance» face aux « menaces d’ordre moral et politique » ou, un peu plus loin, de « l’impuissance » de « l’humanité » à « résoudre son problème essentiel : comment gérer la rivalité et la violence entre les êtres humains ? » sous peine de « disparaître » dans « l’autodestruction », légitime le travail en cours de formulation d’un nouveau paradigme tel que je l’esquisse.

Le problème premier

Le constat est donc là : l’humanité a su accomplir des progrès techniques et scientifiques foudroyants, mais elle reste toujours aussi impuissante à résoudre son problème essentiel : comment gérer la rivalité et la violence entre les êtres humains ? Comment les inciter à coopérer tout en leur permettant de s’opposer sans se massacrer ? Comment faire obstacle à l’accumulation de la puissance, désormais illimitée et potentiellement auto-destructrice, sur les hommes et sur la nature ? Si elle ne sait pas répondre rapidement à cette question, l’humanité disparaîtra. Alors que toutes les conditions matérielles sont réunies pour qu’elle prospère, pour autant qu’on prenne définitivement conscience de leur finitude.

Nous disposons de multiples éléments de réponse : ceux qu’ont apportés au fil des siècles les religions, les morales, les doctrines politiques, la philosophie et les sciences humaines et sociales. Et les initiatives qui vont dans le sens d’une alternative à l’organisation actuelle du monde sont innombrables, portées par des dizaines de milliers d’organisations ou d’associations, et par des dizaines ou des centaines de millions de personnes. Elles se présentent sous des noms, sous des formes ou à des échelles infiniment variées : la défense des droits de l’homme, du citoyen, du travailleur, du chômeur, de la femme ou des enfants ; l’économie sociale et solidaire avec toutes ses composantes : les coopératives de production ou de consommation, le mutualisme, le commerce équitable, les monnaies parallèles ou complémentaires, les systèmes d’échange local, les multiples associations d’entraide ; l’économie de la contribution numérique (cf. Linux, Wikipedia etc.) ; la décroissance et le post-développement ; les mouvements slow food, slow town, slow science ; la revendication du buen vivir, l’affirmation des droits de la nature et l’éloge de la Pachamama ; l’altermondialisme, l’écologie politique et la démocratie radicale, les indignados, Occupy Wall Street ; la recherche d’indicateurs de richesse alternatifs, les mouvements de la transformation personnelle, de la sobriété volontaire, de l’abondance frugale, du dialogue des civilisations, les théories du care, les nouvelles pensées des communs, etc.

Pour que ces initiatives si riches puissent contrecarrer avec suffisamment de puissance les dynamiques mortifères de notre temps et qu’elles ne soient pas cantonnées dans un rôle de simple contestation ou de palliation, il est décisif de regrouper leurs forces et leurs énergies, d’où l’importance de souligner et de nommer ce qu’elles ont en commun.

Oui, la « gestion de la rivalité et de la violence» est bien « le problème essentiel ». Il y a là un accord fort entre la démarche convivialiste et celle, métalogique, que j’ai développée avant de la découvrir.
C’est la raison pour laquelle, par exemple dans « Aventurer l’avenir », l’un des « manifestes » que j’ai mis en ligne sur mon site, j’ai autrefois surligné les points suivants :


5. La route à prendre se déduit du but à atteindre (vivre ensemble sans destruction mutuelle) […].
10.
La destruction mutuelle étant la pierre de touche de l’approche métalogique […].
13.
Si nous voulons échapper à la guerre perpétuelle […].
14.
Il va falloir aventurer l’avenir […].


« Regrouper leurs forces et leurs énergies », il y a là en germe une stratégie de combat qui serait contre-productive : toute action en force excite des forces contraires et l’ensemble, bientôt, dérive dans la spirale autodestructrice du mimétisme conflictuel.

« Souligner et nommer », oui, le mieux possible pour rassembler, mais sans a priori universaliste et sans s’enfermer dans une perspective de combat.

Du convivialisme

Ce qu’elles ont en commun, c’est la recherche d’un convivialisme, d’un art de vivre ensemble (con-vivere) qui permette aux humains de prendre soin les uns des autres et de la Nature, sans dénier la légitimité du conflit mais en en faisant un facteur de dynamisme et de créativité. Un moyen de conjurer la violence et les pulsions de mort. Pour le trouver nous avons besoin désormais, de toute urgence, d’un fonds doctrinal minimal partageable qui permette de répondre simultanément, en les posant à l’échelle de la planète, au moins aux quatre (plus une) questions de base :
– La question morale : qu’est-il permis aux individus d’espérer et que doivent-ils s’interdire ?
– La question politique : quelles sont les communautés politiques légitimes ?
– La question écologique : que nous est-il permis de prendre à la nature et que devons-nous lui rendre ?
– La question économique : quelle quantité de richesse matérielle nous est-il permis de produire, et comment, pour rester en accord avec les réponses données aux questions morale, politique et écologique ?
– Libre à chacun d’ajouter à ces quatre questions, ou pas, celle du rapport à la surnature ou à l’invisible : la question religieuse ou spirituelle. Ou encore : la question du sens.

« Un art de vivre ensemble » ? Oui, certainement, dont découlent un ensemble de raisonnements, de disciplines et de techniques précises. Il est bon de les expliciter (certaines d’ailleurs le sont déjà) et, pour ceux qui choisissent d’œuvrer dans cette direction, de s’y former.
– Chaque grande tradition à des enseignements là-dessus.
– Des spécialistes de « la paix par des moyens pacifiques » comme Johann Galtung ont beaucoup à dire sur la façon de dépasser les conflits.
– Dans le même esprit, on trouvera sur ce blog la liste des conditions à remplir pour « établir des relations de concordance ». L’adoption de ces [conditions, principes, critères] permet d’effectuer en toute conscience le saut paradigmatique que ceux qui réfléchissent appellent de leurs vœux. Le « dépassement» mis en œuvre  est celui de la dialectique utilitarisme vs. anti-utilitarisme et, de ce fait, des quatre à cinq principes convivialistes énoncés ci-dessus.

« Un fonds doctrinal minimal partageable »… tel est bien le but visé par mes propres méditations.
En revanche, le programme qui se déploie dans la liste des quatre ou cinq questions suivantes (morale, politique, écologique, économique, religieuse ou spirituelle ou du sens) excède complètement cet objectif. On est non seulement dans l’universalisme, mais dans l’omniscience.
Le fonds doctrinal minimal porte sur la méthode d’agrégation de ceux que la démarche séduit. Il ne peut inclure la représentation a priori des objectifs que l’humanité devrait atteindre dans toutes les dimensions de son existence. C’est intellectuellement et diplomatiquement irréaliste, et il se manifeste là une ambition doctrinaire qui aspire à l’autorité et ne peut, en tant que telle que générer nombre d’effets pervers.
Cette ambition se déploie dans les « considérations générales » et les quatre principes qui suivent.

Considérations générales

Le seul ordre social légitime universalisable est celui qui s’inspire d’un principe de commune humanité, de commune socialité, d’individuation, et d’opposition maîtrisée et créatrice.
– Principe de commune humanité : par delà les différences de couleur de peau, de nationalité, de langue, de culture, de religion ou de richesse, de sexe ou d’orientation sexuelle, il n’y a qu’une seule humanité, qui doit être respectée en la personne de chacun de ses membres.
– Principe de commune socialité : les êtres humains sont des êtres sociaux pour qui la plus grande richesse est la richesse de leurs rapports sociaux.
– Principe d’individuation : dans le respect de ces deux premiers principes, la politique légitime est celle qui permet à chacun d’affirmer au mieux son individualité singulière en devenir, en développant sa puissance d’être et d’agir sans nuire à celle des autres.
– Principe d’opposition maîtrisée et créatrice : parce que chacun a vocation à manifester son individualité singulière il est naturel que les humains puissent s’opposer. Mais il ne leur est légitime de le faire qu’aussi longtemps que cela ne met pas en danger le cadre de commune socialité qui rend cette rivalité féconde et non destructrice.

Là encore, je sympathise avec les intentions exprimées dans ces quatre ou cinq principes et, à titre personnel, je n’ai aucun mal à en faire ma loi.
En revanche, ce serait une grave erreur que de prétendre les universaliser.
On refait ici l’erreur des indépassables
droits de l’homme
.
On croit tout dire en se donnant un horizon, mais on ne fait ainsi que s’enfermer ou, plutôt, enfermer ceux de nos voisins que l’on peut subjuguer. Si l’on peut énoncer le
seul ordre social légitime universalisable
, cela veut dire que, pour les faibles, il sera sans issue. Les dominants n’auront plus désormais, pour se donner l’air de progresser, qu’à leur reprocher de ne pas les respecter et, pour écraser s’il est possible, qu’à les en sanctionner.
Chacun reconnaîtra là toutes les perversités d’un certain droit international. Ce n’est pas le
convivialisme
que de tels raisonnements peuvent fonder, c’est l’impérialisme de  la
pax romana
.

Quelle est l’alternative ?
Refonder en toute rigueur la pensée et les modes d’action sur une approche « relationnelle », 
donc interactive et fondée sur la coopération libre d’acteurs mouvants en milieu incertain…
plutôt que de les déduire coutumièrement de l’approche « rationnelle », laquelle table sur ce qui est calculable à l’avance et planifiable parce que, préoccupée de résultats visibles à court terme, elle tient pour acquises les idées qui circulent sur les acteurs à prendre en compte, leurs systèmes d’intérêts et de décision, les moyens dont on dispose et les contraintes à respecter).

Considérations morales

Ce qu’il est permis à chaque individu d’espérer c’est de se voir reconnaître une égale dignité avec tous les autres êtres humains, d’accéder aux conditions matérielles suffisantes pour mener à bien sa conception de la vie bonne, dans le respect des conceptions des autres
Ce qui lui est interdit c’est de basculer dans la démesure (l’hubris des Grecs), i.e. de violer le principe de commune humanité et de mettre en danger la commune socialité
Concrètement, le devoir de chacun est de lutter contre la corruption.

Ce vocabulaire est symptomatique de la problématique d’autorité dont il s’agit de sortir car c’est elle (voir développements à venir) qui nous enferme dans la dialectique utilitarisme vs. anti-utilitarisme à prétention humaniste.

Considérations politiques

Dans la perspective convivialiste, un État ou un gouvernement, ou une institution politique nouvelle, ne peuvent être tenus pour légitimes que s’ils respectent les quatre principes, de commune humanité, de commune socialité, d’individuation et d’opposition maîtrisée, et que s’ils facilitent la mise en œuvre des considérations morales, écologiques et économiques qui en découlent ;
Plus spécifiquement, les États légitimes garantissent à tous leurs citoyens les plus pauvres un minimum de ressources, un revenu de base, quelle que soit sa forme, qui les tienne à l’abri de l’abjection de la misère, et interdisent progressivement aux plus riches, via l’instauration d’un revenu maximum, de basculer dans l’abjection de l’extrême richesse en dépassant un niveau qui rendrait inopérants les principes de commune humanité et de commune socialité.

Quelle est l’instance qui décrète cette légitimité ? Il n’y en a pas.
S’il y en avait, quelle serait sa propre légitimité ? Sauf à se déclarer autocratique, ce qui revient à s’imposer par la force, elle ne pourrait en avoir.
Si elle était acceptée, soit elle ne disposerait pas des pouvoirs lui permettant de mettre en œuvre ses décisions, soit – en disposant – elle s’instituerait tutelle de l’humanité, alléguant pour elle-même d’une sur-humanité aussi intolérable qu’intolérée.
Par ailleurs, face aux défaillances qu’elle constaterait ici et là, il lui faudrait intervenir « de l’extérieur », méthode dont l’époque contemporaine a montré et montre encore combien elle est perverse.
Enfin, que l’on parle de « légitimité » (tradition occidentale) ou de « mandat du ciel » (tradition chinoise), la sanction en est la désobéissance, la révolte, la guerre civile, ce qui est contraire à l’objectif annoncé (
gérer la rivalité et la violence entre les êtres humains
).

Conclusion proposée : évitons toute référence à la notion de légitimité… mais réjouissons-nous qu’il y ait, dans ces
Considérations politiques
, un bon exemple à citer pour montrer la nécessité d’adopter une approche « négative » !

Considérations écologiques

L’Homme ne peut plus se considérer comme possesseur et maître de la Nature. Posant que loin de s’y opposer il en fait partie, il doit retrouver avec elle, au moins métaphoriquement, une relation de don/contredon. Pour laisser aux générations futures un patrimoine naturel préservé, il doit donc rendre à la Nature autant ou plus qu’il ne lui prend ou en reçoit.

Retour de l’argument d’autorité. Ce n’est évidemment pas un hasard : qui parle d’écologie s’essaye à parler du monde entier et pour lui.

Constatons par ailleurs que cette forme d’écologisme applique à la relation homme-nature la grande idée des rentiers qui entendent le rester : ne pas dépenser plus que ce qu’on gagne. Pour que le raisonnement soit utile, il faut tenir les cordons de la bourse. Or, pour le globe entier, qui les tiendra ?
On retombe sur le problème précédent : la prétention à l’universalisme condamne tout le propos… comme tous les autres du même acabit.
Ils se prennent dans les paradoxes de l’auto-référence.

Considérations économiques

Il n’y a pas de corrélation avérée entre richesse monétaire ou matérielle, d’une part, et bonheur ou bien-être, de l’autre. L’état écologique de la planète rend nécessaire de rechercher toutes les formes possibles d’une prospérité sans croissance. Il est nécessaire pour cela, dans une visée d’économie plurielle, d’instaurer un équilibre entre Marché, économie publique et économie de type associatif (sociale et solidaire), selon que les biens ou les services à produire sont individuels, collectifs ou communs.

Oui. Pourquoi pas ? C’est là précisément le thème que, avec Christian Comeliau, nous avons abordé  sous l’appellation « développement ». Il est vrai que le mot est caduc, mais il nous sert de cheval de Troie : c’est sous cette étiquette que s’est faite sa carrière, que donc son expertise est connue et reconnue, et c’est dans cette perspective que la plupart des économistes raisonnent encore. La notion de « développement » est donc pour nous un bon point de départ, de même que celle de « convivialisme » pour moi quand j’aborde la question du changement de paradigme.
Ceci dit, ce n’est pas à partir d’un modèle global qu’on trouvera le moyen de donner à chacun la nature et la mesure de prospérité à laquelle il aspire. La rationalité « univervaliste » est une fois de plus ici un obstacle. La question qui se pose n’est pas pour tous mais pour chacun. C’est d’initiatives et d’accords locaux qu’il faut partir avec l’espoir que concordent enfin, ici ou là et pour quelque temps, l’esprit, l’environnement et l’événement d’où procèdent les diffusions virales.

Que faire ?

Il ne faut pas se dissimuler qu’il faudra pour réussir affronter des puissances énormes et redoutables, tant financières que matérielles, techniques, scientifiques ou intellectuelles autant que militaires ou criminelles. Contre ces puissances colossales et souvent invisibles ou illocalisables, les trois armes principales seront :
– L’indignation ressentie face à la démesure et à la corruption, et la honte qu’il est nécessaire de faire ressentir à ceux qui directement ou indirectement, activement ou passivement, violent les principes de commune humanité et de commune socialité.
– Le sentiment d’appartenir à une communauté humaine mondiale.
– Bien au-delà des « choix rationnels » des uns et des autres, la mobilisation des affects et des passions.

Il est suicidaire d’affronter des « puissances énormes et redoutables », tous les stratèges le savent. Ceux qui, tout en évaluant correctement le rapport des forces, restent enfermés dans la problématique conflictuelle optent alors pour les moyens du faible au fort (contre-propagande, travail de sape, terrorisme, guérilla, constitution de refuges…). Une telle approche est vouée à l’échec, militaire le plus souvent, idéologique dans tous les cas : on ne peut combattre sans tomber dans le mimétisme conflictuel.
Si les Convivialistes veulent rester fidèles à leur intention initiale, ils doivent donc écarter radicalement toute idée de combat.

N’ayons pas non plus la naïveté de croire que la non-violence est un moyen de vaincre.
Gandhi
n’a pas obtenu l’indépendance de l’Inde, les Anglais voulaient s’en débarrasser, et l’on ne peut pas dire non plus qu’il ait optimisé la transition : elle a été aussi destructrice que possible.
Nelson Mandela, de même, ne l’a pas emporté sur le régime de l’Apartheid. C’est celui-ci qui l’a choisi pour préserver au mieux les intérêts des Afrikaners en donnant aux Noirs des satisfactions d’amour-propre.
Martin Luther King a échoué lui aussi. Si suggestive que soit son aventure, comme celle des deux héros précédents, il va de soi qu’elle n’a été qu’un moment cosmétique dans l’histoire de la ségrégation aux États-Unis. On le voit bien aujourd’hui au comportement de la police à l’égard des Afro-Américains et au nombre de ceux-ci dans les prisons.

Mais si alors le combat est condamné, qu’il soit non-violent ou violent (Lénine, Mao, Pol Pot, mais aussi les Croisés, les Conquistadors, les Colonialistes, etc.) et victorieux ou perdant, que faire ?
Ce qu’on croit bien et sur lequel, temporairement, localement, il se fait un accord suffisant pour que l’action soit efficace.
C’est exactement ce que je propose lorsque je recommande de se concentrer « négativement » sur le « dépassement des conflits inutiles et la réduction des souffrances évitables ». Cela  passe par l’aptitude à établir des « relations de concordance » avec qui veut.

Rupture et transition

Toute politique convivialiste concrète et appliquée devra nécessairement prendre en compte :
l’impératif de la justice et de la commune socialité, qui implique la résorption des inégalités vertigineuses qui ont explosé partout dans le monde entre les plus riches et le reste de la population depuis les années 1970
– Le souci de donner vie aux territoires et aux localités, et donc de reterritorialiser et de relocaliser ce que la mondialisation a trop externalisé.
L’absolue nécessité de préserver l’environnement et les ressources naturelles.
L’obligation impérieuse de faire disparaître le chômage et d’offrir à chacun une fonction et un rôle reconnus dans des activités utiles à la société.
La traduction du convivialisme en réponses concrètes doit articuler, en situation, les réponses à l’urgence d’améliorer les conditions de vie des couches populaires, et celle de bâtir une alternative au mode d’existence actuel, si lourd de menaces multiples. Une alternative qui cessera de vouloir faire croire que la croissance économique à l’infini pourrait être encore la réponse à tous nos maux.

Il fallait bien conclure. On comprend que les rédacteurs de cet « abrégé » aient souhaité retrouver un peu le ton de ceux qui appellent à
la lutte finale
.
Mais on retombe ici dans la contre-productivité de certains élans rhétoriques, ceux du prêtre en chaire tentant de réveiller son auditoire, ceux du tribun mobilisant une foule qui fatigue et, dans un domaine idéologique proche du convivialisme, les saillies catastrophistes de tant d’écologistes.

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