Barbie (le film), avant – après

Avant

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Mon épouse voulait voir « Barbie ».
J’ai accepté : cela me changerait des idées de grande politique, sombres et critiques, sur lesquelles je tourne en permanence. Pour me débarrasser plus vite de cette « petite connerie », nous irons ce matin à la première séance.

Depuis, j’ai réalisé que ce film peut m’intéresser : Barbie est la « fille idéale », celle à laquelle toutes les filles veulent ressembler ou qu’elles aimeraient avoir comme amie intime. On est donc au cœur des mimétismes médiatisés qui, à l’étape suivante (la nôtre) donneront Paris Hilton, Kim Kardashian et les influenceurs.

Je suis curieux enfin de voir ce qu’il advient de Barbie quand elle se confronte au monde réel, problème déjà rencontré par Jim Carrey dans « The Truman Show », et ce qu’il en sera de ses copines homonymes.

Ken, bien sûr, n’est qu’un accessoire de Barbie, comme son sac ou sa garde-robe, ce qui pose la question angoissante : qu’advient-il de nous, les hommes, dans un monde où les femmes, en prenant leur place, empiètent aussi sur celle qui — autrefois — était la nôtre ?

Les frontières d’hier ont bougé. D’ailleurs elles ne sont plus tenables.

Barbie et Ken, ou Poutine et Biden (sans parler de ce clown de Zelensky et de ceux qui, hier parfois, rongeaient de l’intérieur les ménages à trois du temps de la liberté sexuelle ), même combat ?
Là s’est joué une part de l’histoire des amours de ma génération et « accessoirement » une partie des loisirs, enfantins mais songeurs, de nos filles.

J’ai mis du temps à le reconnaître : Barbie a été un mythe important pour les « baby boomers ».

Ce qui dans l’Antiquité inspirait contes héroïques, célébrations religieuses et tragédies de haute culture, est passé pour notre temps par l’industrialisation, le marketing, la mode, et se perpétue par le ridicule.

Après

« Barbie », le film, vu ce matin, est d’abord une réussite visuelle, riche en citations suggestives de toutes sortes.

Par exemple, l’ouverture de « 2001, Odyssée de l’espace » avec, en guise de monolithe face à des hominidés dont une étincelle d’intelligence fait aussitôt des meurtriers, une Barbie statuesque face à des petites filles que cette apparition dégoûte des poupons baigneurs qui les vouent à la maternité…

Ou encore « Les Demoiselles de Rochefort » et la perfection plastique des multiples « Toy Story ».

C’est aussi un film d’idées

  • Des gags en-veux-tu-en-voilà dans la logique de personnages évolutifs pris entre deux temps (ceux des jeux et de la vie ordinaire), comme entre les visions de deux âges (l’imaginaire de l’enfance et le réalisme des grandes personnes).
  • Les considérations existentielles qu’inspire la méditation sur le destin rêvé de ces poupées (Barbie pour les filles, vue par les filles, et Ken pour les garçons, mais vu aussi par les filles), figuration mythique des destins qui nous attendaient depuis notre enfance sans qu’on en sache les attendus.

Une excellente comédie, donc un mélodrame : on est constamment surpris par l’action et l’on rit sur les personnages tout en pleurant sur soi.

C’est très réfléchi, peut-être un peu trop : le scénario de ce film est une poupée gigogne. Chaque fin possible ouvre sur une autre, plus vaste, plus actuelle, plus adulte. Est-ce répétitif ? Oui, mais chacune de ces « clôtures » est intelligente et satisfaisante, un peu comme si Charlie Chaplin avait enchâssé tous ses longs métrages en un seul.

Barbie , sur un thème a priori si rebattu, est un film qui nous surprend pour nous distraire, et va au-delà pour nous offrir une bonne part de ce qui, sans qu’on le sache, manquait à la saga du « féminisme occidental » dans la deuxième moitié du XX° siècle.

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