Ce que joue Macron au-delà des retraites

Il y a ce que l’on sait,
ce que l’on dit pour provoquer des réactions
et ce que l’on pense au-delà de l’instant.

Sur ce que l’on sait et sur les absurdités des débats en cours au ras de l’hémicycle et des pavés, voyez l’excellente et très démonstrative analyse d’Éric Juillot pour Elucid.

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Cet article vaut d’être lu attentivement, mais je vous en livre tout de suite la conclusion :
« Au sein de l’UE, la crédibilité d’un dirigeant dépend de son aptitude à infliger à son pays des régressions sociales d’ampleur, sous la surveillance tatillonne de la Commission européenne. À ce « Meilleur des Mondes » néolibéral, il faut espérer qu’une mobilisation populaire massive pourra faire obstacle. »

Souvenez-vous de Macron 2019

Mettons cette conclusion en regard avec ce qu’Emmanuel Macron déclarait sur les retraites dans sa conférence de presse du 25 avril 2019 (entre 2:45 et 4:26 dans le présent extrait)

L’ayant écouté, lisons la transcription…

« Est-ce qu’il faut reculer l’âge légal (de départ à la retraite) qui est aujourd’hui à 62 ans ? Je ne crois pas.

Je ne crois pas pour deux raisons.
La première — elle est un peu directe — c’est que je me suis engagé à ne pas le faire. Je pense que c’est quand même encore mieux, sur un sujet important, de faire ce qu’on a dit. Et pourquoi ? Parce qu’on a dit : on laisse 62 ans comme âge légal, et l’on fait une réforme beaucoup plus large, beaucoup plus profonde, qui est de créer ce nouveau système par points, qui va créer de la confiance, qui va permettre de corriger les vraies injustices systèmes, qui sont les régimes spéciaux, les avantages particuliers de telle ou telle catégorie, qui sont parfois très coûteuses, qui sont aujourd’hui de vrais inégalités et c’est plus… Et ça, il ne faut pas le compromettre en bougeant l’âge légal.
Et la deuxième raison, c’est que, tant qu’on n’a pas réglé le problème du chômage dans  notre pays, franchement, ce serait assez hypocrite de décaler l’âge légal. C’est-à-dire quand, aujourd’hui, on est peu qualifié, quand on vit dans une région qui est en difficulté industrielle, quand on est soi-même en difficulté, qu’on a une carrière fracturée, bon courage déjà pour arriver à 62 ans. C’est ça la réalité de notre pays !
Alors, on va dire : non, non, il faut maintenant arriver à 64 ans ! Vous le savez déjà plus comment faire après 55 ans. Les gens vous disent : l’emploi, c’est plus bon pour vous.
C’est ça la réalité ! C’est le combat qu’on mène ! Il faut d’abord gagner ce combat avant d’aller expliquer aux gens : mes bons amis, travaillez plus longtemps car c’est le délai légal.
Ce serait hypocrite ! Et j’invite les gens qui, de manière simpliste — j’entends certains, qui ne l’ont pas fait quand ils étaient aux affaires, dire : c’est ça la solution — a d’abord regarder la réalité de notre société : on doit d’abord d’abord gagner la bataille du plein-emploi. »

Les oscillations de nos gouvernants

Regardons maintenant les oscillations du président, de ses premiers ministres et des membres de son gouvernement…

La position « il faut travailler plus et repousser l’âge de la retraite de 62 à 65 ans » (quitte à traduire cela en nombre de trimestres de cotisation) est périodiquement réaffirmée en cours de mandat, quitte à être différée pour cause de circonstances (hier, ce fut la pandémie).

À l’approche des élections et jusqu’aux résultats du premier tour (qui garantissaient la réélection au second tour), la consigne fut de rassurer les électeurs : on doit d’abord tenir compte de ce qu’ils vivent, de « la réalité de notre société ».
Priorité au plein emploi .

C’était en avril 2019 mais nous sommes aujourd’hui en 2022. Macron a été réélu pour cinq ans.

Ses priorités ont changé

Kiev et Moscou sont la menace apparente mais, dans l’immédiat, il peut les laisser mijoter à feu doux.

Plus préoccupantes sont…

Bruxelles et Berlin, ça c’est important : en jouant face au peuple français la carte de la rigueur responsable, Macron compense en partie la perte de prestige que lui valent ses tâtonnements opportunistes dans la « guerre d’Ukraine ».

Par rapport à Washington, il faut rester attentif : il y a là un dangereux suzerain, toujours prêt à court-circuiter la France, voire à le sanctionner si cet « allié » (ou plutôt ce « vassal ») reste incertain.

Quant à Wall Street et aux marchés financiers, ils sont à nouveau chargés de bulles au bord de l’explosion. Les grands hedge funds sont donc à l’approche de l’Europe et la France pour les jouer à la baisse. Le salut viendra peut-être du commerce des armes mais les Américains veillent là encore…

Bref…

L’insistance de Macron sur l’âge de la retraite n’est qu’un pari

Une posture à prendre pour l’international.
Si la rue laisse passer, tout va bien.
Macron pourrait y gagner un certificat de « courage thatchérien ». Cela pourrait servir dans les négociations européennes à venir.
Et, si ça rate, on le verra comme un obstiné : là encore, cela lui donnera plus de chances de réussir son prochain bluff.

En outre, si la question des retraites agite un peu trop le pays, cela facilitera le désinvestissement de la France dans le conflit ukrainien :
« Désolé les gars, on est solidaires mais, vous le voyez bien, ne m’en voulez pas, j’ai trop à faire chez nous ».

Courageux, voire obstiné mais finalement raisonnable ?
Pas mal non plus…

Car pour l’après et, à mon âge, la réputation, c’est ce qui compte.
D’ici la fin de mon mandat, mon avenir ne sera plus en France mais à l’international, en Europe peut-être, en politique ou dans les affaires.
J’ai déjà tout le carnet d’adresses que l’on peut souhaiter.
L’incertitude ne porte donc plus que sur la réputation que j’aurais au terme de ce dernier mandat présidentiel.

Donc, Français, ne vous y trompez pas…

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Que vous laissiez passer la réforme des retraites, ou que vous la bloquiez [c’est ce que je souhaite, mais je ne suis qu’un pion]…
et Macron est déjà président !
Il ne s’intéresse plus à vous que pour la forme et ne pense désormais qu’à l’après.

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