Climat… Militantisme, action collective et débat

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Radio France engage un tournant environnemental : « NOUS NOUS TENONS RESOLUMENT DU COTE DE LA SCIENCE, en sortant du champ du débat la crise climatique, son existence comme son origine humaine. Elle est un fait scientifique établi, pas une opinion parmi d’autres. »

[Voir infra le Manifeste de radio France]

Je suis content de découvrir cette déclaration de politique éditoriale, elle a le mérite d’être claire et idéologiquement cohérente.
Ailleurs, dans d’autres médias, on tient d’autres propos, l’on promeut d’autres croyances et se donne d’autres priorités.
De telles « politiques » restent souvent implicites. Des initiés, le cas échéant, les affinent, les font évoluer mais leur « cela va sans dire » suffit pour manager une équipe rédactionnelle sans que le tribunal de l’opinion s’en saisisse..
Mérite additionnel de cette solution : elle permet de maintenir la fiction de l’indépendance des journalistes à l’égard des propriétaires du journal.

Donc merci à Radio France, chaîne de service public, d’exister et de faire connaître ses choix éditoriaux.

Ce parti pris de se situer « du côté de la science » est assez proche du mien pour que je continue à m’intéresser aux productions de Radio France.

En revanche, l’idée de sortir la crise climatique du champ du débat est une erreur, et ceci pour trois raisons : politique, scientifique et cognitive…

La première est politique. Nos chances de minorer les effets de la crise climatique seront meilleures si chacun y contribue solidairement, en soutenant les mesures générales qu’il comprend et en prenant les initiatives personnelles qui sont à sa portée.
Le déploiement d’une telle culture de solidarité passe par un travail pédagogique d’information, sous condition qu’il fasse place au débat et prenne en compte la diversité des points de vue.
Qui souhaite que chacun s’implique doit faire place aux problématiques et contraintes de chacun, pas seulement celles des élèves complaisants à mesure de leurs doutes et de leurs ignorances, mais aussi celles des opposants à mesure de leur capacité de nuisance qui, mal comprise et prise en compte, générerait d’indépassables conflits.

La seconde raison qui nous interdit de « sortir la crise climatique du champ du débat » est d’ordre scientifique.
Dans les connaissances les mieux établies, il reste toujours des imprécisions à la limite et, dans le cœur même des thèses énoncées, des ambiguïtés de contenu (une fois les faits collectés, la réflexion continue), voire des incertitudes dans le fonctionnement réel des systèmes analysés.
On ne saurait en outre oublier que le désastre anthropocène en cours est un effet direct de notre naïf aveuglement devant les merveilles de la technoscience. Tout réflexion sérieuse sur la crise climatique fait donc une grande part à l’approche techno-critique.

La troisième raison est d’ordre cognitif. Les incompatibilités croissantes entre les modes de fonctionnement actuels de l’humanité et les réactions homéostatiques de la planète tentent à déstabiliser non seulement les personnes, mais les institutions.
Professionnels de la science et de la politique font donc dans l’urgence des déclarations simultanées, souvent discordantes, et prennent des mesures aussi discutables que discutées, dans l’immédiat et avec le recul. Médias, politiciens, experts, intellectuels, journalistes et simples intervenants dans les réseaux sociaux, chacun de ceux qui prennent la parole, chaque « haut-parleur » de la vie collective doit donc avoir à l’esprit qu’on ne l’entend jamais tout seul mais dans un brouhaha.
Pour se faire entendre, il lui faut certes parler d’une voix distinctive mais, pour se faire comprendre, il lui faut aussi le soutien partiellement involontaire de ses opposants. C’est en leur laissant une place qu’il l’obtient : celui qui vous critique répète votre message.

La version vulgaire de cette dernière observation est que la polémique fait vendre et que le buzz génère des hits.
Je crois et j’espère que Radio France et les médias de service public sont au-dessus de ça. J’en conclus que le succès de leur « tournant environnemental » passe par l’organisation de vrais débats avec ceux qui, sincèrement, ont d’autres positions qu’eux.

Annexe : Le manifeste de Radio France

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La crise climatique fait l’objet d’un consensus scientifique international solide depuis plus de vingt ans, documenté par le GIEC dans ses rapports successifs. Plus personne ne peut en ignorer les conséquences graves et concrètes sur l’environnement, l’économie et la vie humaine. Beaucoup a été fait pour parler des enjeux environnementaux sur nos antennes et faire de Radio France un média de service public écologiquement responsable. Pourtant, face à l’ampleur de l’urgence climatique, nous sommes résolus à aller plus loin. Radio France engage un tournant environnemental.

EN TANT QUE MÉDIA :

1. Nous nous tenons résolument du côté de la science, en sortant du champ du débat la crise climatique, son existence comme son origine humaine. Elle est un fait scientifique établi, pas une opinion parmi d’autres

2. Nous fournirons une information de confiance sur les effets de la crise climatique en France et dans le monde, en nous fondant sur des données vérifiées et en utilisant un vocabulaire qui reflète la réalité de cette crise, sans la minorer.

3. Nous éclairerons la transition écologique. Nous ferons vivre sur nos antennes un espace public contradictoire et civilisé sur les choix auxquels nous sommes confrontés. Nous contribuerons à faire connaître les innovations et les solutions, des comportements individuels les plus quotidiens aux changements économiques les plus structurants, veillant ainsi à ne pas nourrir un découragement climatique mais à donner à chacun les clés pour comprendre, débattre et agir.

POUR CELA :

4. Les antennes de Radio France font de la crise climatique un axe éditorial majeur. Il se déclinera dans nos programmes et nos tranches d’information, au quotidien et dans des spéciales. Nous maintiendrons également un volume conséquent d’émissions et de chroniques dédiées. Un accès thématique facile à ces programmes sera disponible en permanence sur le site et l’application Radio France.

5. Radio France lance le plus grand plan de formation de son histoire à destination de ses journalistes, ses producteurs et équipes de production, et ses animateurs, sur les questions climatiques et scientifiques. Nous changeons de philosophie : l’environnement et la science ne seront pas l’affaire des seuls journalistes spécialisés, ils constitueront le socle de connaissances indispensables mobilisables par toutes nos équipes éditoriales.

6. Nous accélérons notre transition vers une publicité plus responsable en visant l’exclusion progressive des produits et services les plus polluants. Nous augmenterons de 15 % par an le volume de publicités consacrées aux produits, services et entreprises responsables, mesuré par un organisme extérieur. Nous élargissons notamment le nombre d’espaces publicitaires offerts aux organisations engagées dans la transition (+ 20 % d’espaces « transition en commun »).

7. Nous faisons de notre sobriété numérique une priorité. La radio est un média par construction sobre, nous avons néanmoins conscience du défi que présentent les usages numériques. Une équipe dédiée à la sobriété énergétique optimise le code de nos produits et leurs utilisations. Nous nouerons un dialogue avec les acteurs du numérique pour réduire le bilan carbone lié au stockage et à la diffusion de nos contenus.

EN TANT QU’ENTREPRISE :

8. Nous adoptons un plan de sobriété énergétique immédiat (notamment : limitation des températures de chauffage et de climatisation suivant les recommandations officielles, extinction des éclairages non indispensables, etc.).

9. Nous nous engageons à baisser de 40 % notre bilan carbone d’ici 2030.

10. Nous serons transparents sur nos progrès en rendant régulièrement compte de l’avancement de nos objectifs.

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