Donne à chacun sa part…

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Ballade de Boulat Okoudjava, interprétée par Régina Spektor.

À mes correspondants russophones, quelle que soit la nationalité dont on les affuble aujourd’hui et au nom de laquelle on les combat…

Chers tous,

Pour une fois dans votre langue, je découvre cette complainte de Boulat Okoudjava, que vous connaissez sûrement : elle existe sur Internet depuis au moins sept ans. Elle m’avait déjà été relayée dans le passé, à un moment où je n’avais pas pris le temps de m’y arrêter. [Merci à Pierre Cohen-Bacrie de me l’avoir redécouverte aujourd’hui].

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Par la même occasion, je découvre l’existence de ce Boulat Okoudjava dont le douloureux et intelligent parcours me touche, et dont on me dit qu’il fut l’un des inspirateurs de Vladimir Vyssotski, le seul « barde » russe dont je connaisse déjà l’existence par le biais de la belle Marina Vlady.

L’original chanté par Boulat Okoudjava (mort en 1997, il l’avait sans doute enregistré en 1967 dans les studios du Chant du Monde) me prend moins que la version ci-dessus interprétée par Régina Spektor.

J’y entends bien sûr toutes les misères du monde, à commencer par celles de l’ensemble russe, puis soviétique, ensuite « perestroïké » et désormais « poutinisé », soit tout l’Est européen, Ukraine comprise.

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Pourtant, ce qui me saisit aujourd’hui dans cette version en russe, sous-titrée en français (au-delà de cette image de femme sans visage sous la neige face au mur, et de la belle voix de la chanteuse), c’est d’abord la transposition de la « Ballade des pendus » de François Villon (« Frères humains, qui après nous vivez… », tant admirée par moi que j’en ai dans le passé composé un pastiche), transposition qui, chez Okoudjava, est à mes yeux si actuelle qu’elle se termine (en français) sur cette supplique répétée : « Donne à chacun sa part, et pense à moi un peu… Donne à chacun sa part, et pense à moi un peu… ».

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Si actuelle, parce qu’elle est de toujours et qu’en septembre dernier, après avoir fait le tour de tout ce qui s’est pensé jusqu’à aujourd’hui en matière de philosophie politique, j’ai conclu que, pour fédérer, on ne trouverait pas mieux que l’antique notion d’« eunomie », de « bon partage » qui structure les banquets d’Homère et la réforme de Solon : « L’eunomie rend toutes choses ordonnées et parfaites, enchaîne les injustes, lisse les aspérités, met fin aux excès (koros), abat l’arrogance (hybris), sèche les fleurs de la ruine (ate), redresse les jugements tordus, atténue l’orgueil et met fin à la discorde… La dysnomie, par contre (son opposé) apporte des maux infinis à la cité. »

J’ai alors commencé d’y faire allusion dans les articles et billets que je publie sur mon blog et Facebook, et j’ai déposé en .org les noms de domaine qui permettraient un jour d’animer les débats correspondants en français et en anglais (eunomique et eunomisme, eunomics eteunomism).

« Un jour », car il n’est de politique heureuse que dans le « partage », donc l’échange et que, pour lancer celui-ci, il faut une plate-forme et un réseau de contributeurs talentueux.

Je ne m’en suis pas soucié : avec ou sans moi, cela viendra.

Bien amicalement,

Pierre

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