La compassion ? Oui, mais ce n’est pas une excuse

« Angoisse de vie ? » interroge un lecteur de ce blog.
Quand je cherche en moi ce qui pourrait me tenailler, je vois deux élans, deux forces.

La première, pour la dire en un mot, serait la compassion à laquelle le mot d’ordre « dépasser les conflits inutiles et réduire les souffrances évitables » donne une forme active.

La seconde est la curiosité, qui est désir et joie de comprendre avec, par en dessous, la souffrance, si violemment ressentie dans le passé mais si fréquemment rencontrée aussi, même aujourd’hui, de ne pas avoir vu à temps, de ne pas avoir compris quand il était encore possible d’agir, de me découvrir avoir été et être encore complice du malheur du monde avec, par dessus, la colère de m’être « fait avoir ».

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Deux faces en somme d’une même expérience : ne craignant pas pour moi, je suis sensible au malheur d’autrui et, sinon, ce qui est plus commun, j’ai simplement plaisir à interagir avec mes semblables.

Je reconnais qu’il y a dans ce « ne pas craindre pour moi » une part d’artificiel, la conséquence d’une décision. Elle vient de mon enfance, des violences subies et de la conviction que j’en ai retenue qu’on part perdant quand on a peur de perdre.

Il y a là une façon (« même pas mal ! ») de se mettre à part. Elle a des inconvénients dans la relation avec ceux qui traitent la souffrance comme un milieu de vie et qui, pour partager, requièrent qu’on pactise avec elle.

Or je prétends constamment distinguer les souffrances qui s’imposent de celles sur lesquelles on peut agir. La priorité, pour moi, est toujours là.
Priorité à l’action que l’on croit efficace.

Cela me donne parfois une brutalité de chirurgien. Elle comporte des risques : malmener une évolution naturelle qui aurait pu conduire à un bon résultat, trancher prématurément dans le vif au risque de mutiler.
J’ai fait, je fais encore à des degrés divers, bien des erreurs de ce genre.

La parade que j’ai trouvée ?
Me demander : qui est en charge ? Et, quand le processus est long, me le redemander à chaque étape.
Il y a donc bien des tâtonnements sous l’assurance apparente de gestes dont il est vrai que chacun est décidé, mais dans l’idée de corriger les précédents.

De mon grand-père et de mon père artilleurs, j’ai gardé la notion de « corriger le tir ».
C’est intelligent et bien intentionné mais on ne fait pas plus violent.

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La « compassion » disais-je ? Oui, mais ce n’est pas une excuse.

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