La laïcité est un piège ; l’alternative ? la convivialité

Souvenez-vous des raisons pour lesquelles la France a opté pour la laïcité.

Ce pays qui avait été « la fille aînée de l’Église » voulait à la fois se débarrasser de l’imaginaire des monarchies « de droit divin » et proclamer son indépendance à l’égard de l’Église romaine. D’où la République laïque avec, comme fondement populaire, le citoyen nanti de droits et sa laïcité pour liberté, celle de désobéir au clergé. La France s’est ainsi inventé une conception de l’ordre public indépendante de l’ordre catholique. Elle n’a pas pour autant changé de culture.

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On l’a bien vu dans l’œuvre coloniale, en Tunisie par exemple où la colline de Byrsa fut agrémentée d’une cathédrale dédiée à Saint-Louis. Formellement pourtant, on respectait les musulmans. Carthage avait été détruite par Rome, une autre Rome désormais la marquait, et c’était tout. Avec l’indépendance nationale, juridiquement, la France s’est retirée. Culturellement pourtant, elle est restée, cachée sous un faux-nez : celui de la laïcité.

Celle-ci était pour nous une solution que nous avions inventée en même temps que notre vocation coloniale quand l’Europe ne fut plus qu’un champ clos. Cela n’en fait pas un solution universalisable.

Temporairement, la laïcité nous a donné une souplesse d’adaptation que nous n’aurions pas eue sans elle. Dans des régions et des pays cimentés par d’autres traditions, elle inspire des protestations génératrices de désordres insurmontables. Son œuvre continue de désintégration compromet des États qui tentent d’émerger dans des processus d’acculturation qui déstabilisent toutes les institutions.

Or quel est le but pour les satellites culturels de la Mecque, Moscou-Constantinople, Bénarès, Pékin, Jérusalem-New York, etc. ? Les modernistes diront « s’adapter » (au progrès) mais, dans une perspective traditionaliste, s’adapter, c’est « trahir » et, à tout le moins, se désolidariser, d’autant que les « progrès » en question se payent d’extrêmes régressions.

Souvenons-nous que l’opération de laïcisation que la France a menée, dans des circonstances très particulières et avec des objectifs très limités, l’a été au moyen des compromis dont elle avait besoin pour la rendre acceptable.

Dans d’autres circonstances, avec d’autres objectifs, d’autres compromis sont nécessaires. Tout le monde le comprend mais la question, dès lors, devient : quel est l’objectif ? Quel principe nous donner pour que chaque région, chaque nation, chaque culture, chaque groupe humain puisse donner le meilleur de lui-même ?

La réponse est dans la question. Le seul objectif qui puisse nous unir est de l’ordre d’un vivre ensemble, une convivialité progressivement née des métissages que nous sommes un peu partout, respectueuse de notre histoire, protectrice de notre territoire, consciente de notre diversité. L’alternative à la laïcité, cette solution qui a permis à la France de passer du XIX° au XX° siècle, cette alternative, c’est la convivialité.

Quelle différence y a-t-il entre laïcité et convivialité ?

La laïcité (regardez les dictionnaires) se définit par rapport à l’Église, au clergé et, par extension, par rapport aux religieux. Par rapport, donc en opposition. On l’a bien vu en France, jusqu’à ce que Rome rende les armes, car ce qui était en jeu était une guerre civile. Est-ce vraiment cela qu’on veut un peu partout, dans des circonstances bien différentes et des rapports de force bien incertains ?

Laïciser, c’est prendre de front toutes les autorités religieuses alors que toutes, par définition, veulent coopérer avec l’Œuvre harmonieuse d’En-Haut pour Ici-bas.

Tout prêcheur peut, sans blasphème, prêcher la convivialité (en lui donnant le nom que prescrit sa culture). Il n’en est pas de même pour la laïcité, d’où les résistances qu’elle rencontre et, pour une grande part, l’instabilité des pays qui, comme la Tunisie, se croient obligés de choisir entre laïcité et islamisme.

N.B. Pour prendre conscience des difficultés actuelles de la Tunisie, pays convivial s’il en est, voir l’excellent article Musulmans versus islamistes de Yassine Essid, dans l’Économiste maghrébin de ce 27 avril 2021

Comme tant d’autres pays occidentaux, la France a le doigt pris dans l’engrenage des conflits culturels, ceux qu’ont réveillés de lamentables activistes sous prétexte de « laïcité » (caricatures de Mahomet, Charlie hebdo) ou de « blasphème » (massacre de l’équipe de Charlie hebdo, égorgement de Samuel Paty), sans parler des meurtres commis sur des agents des autorités traditionnelles (un vieux prêtre, une employée de commissariat).

Des régressions analogues, agressives ou défensives, se présentent donc et se perpétuent d’une rive à l’autre de la Méditerranée.

Il est temps de reconnaître l’échec de l’occidentalisme et de repenser notre vieille et dogmatique laïcité à l’aune d’un vivre ensemble interculturel : la convivialité.

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