Les Amis de la Paix 1 – Le congrès de Paris en 1849

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Ayant mis en ligne, hier, le discours introductif de Victor Hugo au Congrès des
Amis de la Paix universelle
qui s’est réuni à Paris en 1849, j’ai voulu en savoir davantage. J’ai alors trouvé, sur Gallica comme il se doit, les actes de la réunion. Ils valent d’être lus. Chacun peut le faire à partir du lien ci-dessus. Il m’a cependant semblé utile d’en faire d’abondants extraits numérisés, ce qui facilitera pour tous la lecture et la consultation.
Les idées exprimées ici le sont avec une grande clarté, avec éloquence souvent et dans des circonstances historiques précises qui nous sont aujourd’hui transparentes. Les interventions rapportées n’en sont que plus touchantes et d’une actualité surprenante. Quelques 170 ans après, on ne sait s’il faut s’étonner davantage du temps qu’il a fallu pour les mettre en œuvre ? du fait qu’elles l’aient toutes été ? de ce que chacune ait eu des effets pervers et qu’aucune n’ait pleinement remplie sa mission ?
width=C’est dire que nous n’avons pas avancé, et que ces hommes d’avant-hier sont toujours nos frères. Redécouvrir leur pensée, c’est donc aussi mieux comprendre la nôtre… et ses limites.

Dans cette première livraison, on trouvera la synthèse proposée par Joseph Garnier, le secrétaire du Congrès. Elle a le grand mérite de faire l’historique du « mouvement en faveur de la paix » d’où procède le Congrès de 1849. On y trouve l’essentiel des idées débattues, ainsi qu’un précieux rappel historique.

Joseph Garnier (1813-1881) fut un économiste influent, cofondateur en 1842 de la Société d’Économie politique. Ami de Richard Cobden, il milite pour le libre-échange.


Le mouvement en faveur de la Paix

L’agitation en faveur de la paix, qui a pris, depuis quelques années, un développement si remarquable, a été inspirée par les guerres qui ont ensanglanté l’Europe au commencement de ce siècle. C’est aux Etats-Unis et en Angleterre, au sein de la laborieuse et bienveillante secte des quakers, que l’idée de la paix universelle a trouvé ses premiers propagateurs ardents et dévoués. Le mouvement s’est transmis à leurs coreligionnaires des deux pays, et peu à peu on a vu y prendre successivement part des philanthropes éclairés, des pasteurs d’églises protestantes, des poètes éminents, des économistes, des membres du clergé catholique, des publicistes et des hommes d’État, parmi lesquels il nous suffira de nommer M. Richard Cobden, l’illustre chef de la ligue dont les efforts ont provoqué la réforme économique et financière en Angleterre [on lui doit alors l’abolition en 1846 des Corn Laws protectionnistes], et si puissamment contribué, non-seulement à la prospérité de son pays, mais encore à la paix du monde.

Le Congrès de Paris a montré aux yeux de l’observateur attentif l’importance de ce mouvement, qui tend à mettre enfin en pratique les vérités déposées dans le cœur des hommes par la religion, prouvées à leur raison par la philosophie, démontrées conformes à leurs intérêts individuels ou nationaux, comme à ceux de l’humanité tout entière, par l’économie politique. Dès ce moment, l’utopie de l’abbé de Saint-Pierre commence à être prise au sérieux : un sentiment encore vague, mais cependant très-positif, semble dire aux populations, malgré les guerres récentes, ou plutôt à cause de ces guerres, que le temps est venu de songer à l’affermissement définitif de la paix, Déjà, parmi les hommes politiques qui ont la prétention de diriger les affaires de ce monde, il en est qui se demandent si le remède à bien des complications, à bien des misères, ne se trouve pas en partie dans la renonciation complète et absolue à l’ambition, à la conquête, à l’intervention armée ; dans la solution des différends internationaux par la voie pacifique ; dans la diminution des dépenses de guerre et de marine : toutes choses qui, après avoir été « le rêve d’un homme de bien », finiront par constituer le gros sens commun des nations.

Le mouvement des amis de la paix date de 1814, époque à laquelle un homme par eux vénéré, le docteur Noah Worcester, des Etats-Unis, publia un examen du système de la guerre : Solemn review of the custom of the war. Peu de temps après, en août 1815, au retentissement du canon de Waterloo, quelques lecteurs de cet écrit fondèrent la première Association des amis de la paix, the New-York Peace Society, et presque simultanément des Sociétés analogues dans les Etats de l’Ohio et du Massachussets.

Dans cette même année 1815, un journal anglais, the Philanthropist, publiait un article dans les mêmes sentiments que l’écrit de Worcester, et préludait à la formation de la Société de la paix de Londres (11 juin 1816), qui célébrait en mai dernier, dans un meeting public, son trente-quatrième anniversaire, Chose digne de remarque, c’est qu’il est à peu près certain que ces Sociétés se formèrent, celle-là en Amérique, celle-ci en Angleterre, sans que l’une ait eu connaissance de l’autre. Ce phénomène est assez commun dans l’histoire du progrès humain. Longtemps une idée fermente d’une manière latente dans l’humanité, et puis, un beau jour, ou la voit surgir et se manifester presque en même temps par l’initiative de quelques hommes d’élite.

Ces deux Sociétés mères une fois fondées, leur action se porta sur la création de plusieurs autres Sociétés correspondantes ; (les meetings eurent pour objet d’en faire connaître l’existence et les principes ; des concours furent ouverts ; des milliers de brochures ou traités furent distribués ; des missionnaires parcoururent de temps en temps différents pays. Le célèbre docteur Bowring a été de ce nombre.

Les nobles sentiments qui avaient dirigé les fondateurs de cette Société inspirèrent aussi à quelques hommes de bien la création de la Société de la morale chrétienne à Paris, en 1821, au sein de laquelle fut constitué plus tard, en 1841, un Comité de la paix. En 1830, M. de Selon, un des citoyens les phis estimables et les plus respectés de la Suisse, établit aussi une Société à Genève, et éleva une colonne sur les bords du lac Léman, en souvenir de cet heureux événement.

Un petit nombre d’autres Sociétés prirent naissance sur quelques autres points en Europe. A Paris, ce ne fut qu’en 1847 que MM. Francisque Bouvet, Ziegler et d’autres songèrent à en fonder une spécialement consacrée à la grande question de ta paix ; mais leurs efforts se sont trouvés, dès le début, arrêtés par l’agitation politique et la suspension du droit de réunion.

Les Amis de la Paix eurent l’idée de faire un Congrès à Londres, en 1843. Des délégués de toutes les Sociétés d’Irlande, d’Ecosse et d’Angleterre se rendirent à cette réunion présidée par M. Ch. Hindley, membre du Parlement. Il en vint aussi des Etats-Unis. Un seul Français y assistait, c’était M. Larochefoucault-Lianconrt, président de la Société de la morale chrétienne. Dans ce Congrès, on adopta la proposition d’une adresse à tous les gouvernements civilisés, pour les prier d’introduire dans leurs traités une clause par laquelle ils s’engageraient, en cas de dissentiment, à s’en rapporter à la médiation d’une ou de plusieurs puissances amies. Cette adresse fut présentée notamment au roi Louis-Philippe, qui fit un excellent accueil aux délégués du Congrès. « La paix, leur dit-il, est le besoin de tous les peuples, et, gràce à Dieu, la guerre coûte beaucoup trop aujourd’hui pour s’y engager souvent, et je suis persuadé qu’un jour viendra où, dans le monde civilisé, on ne la fera plus. » Au mois de janvier 1844, la même adresse fut présentée au président des Etats-Unis par M. Beckwith, secrétaire de la Société de paix d’Amérique. Le président fit remarquer aux délégués que la tendance naturelle des gouvernements populaires était de maintenir la paix. « Que le peuple soit instruit, dit-il, et qu’il jouisse de ses droits, et il demandera la paix, comme indispensable à sa « prospérité. »

Cotte manifestation donna une nouvelle force à l’action des Amis de la Paix tant en Angleterre qu’aux Etats-Unis. Dans ce dernier pays, venait de se révéler un de ces apôtres que la foi pénètre et qui font pénétrer la foi chez les autres hommes. Elihu Burritt quittait le métier de forgeron pour se livrer à l’étude et consacrer ensuite sa vie à la propagation des sentiments de fraternité qui débordaient son âme.

La propagande écrite et parlée d’Elihu Burritt communiqua encore une vie nouvelle aux Amis de la Paix des Etats-Unis; et lorsqu’il vint en Europe, en 1848, rattacher par de nouveaux liens les paisibles confédérés de l’Amérique avec ceux de l’ancien monde, il donna au mouvement cette impulsion qui a appelé l’attention du monde entier.

Accueilli avec enthousiasme par les Amis de la Paix de l’Angleterre, M. Elihu Burritt, en compagnie de M. Henri Richard, non moins dévoué que lui à cette grande cause, se rendirent à Paris dans le printemps de 1848 pour organiser au sein de notre capitale un Congrès semblable à celui qui avait eu lieu à Londres en 1843. L’état de la France, et surtout les journées de Juin, les feront renoncer à ce projet et les engagèrent à convoquer les Amis de la Paix à Bruxelles, où ils trouvèrent la bienveillance empressée du gouvernement, celle de M. Rogier, ministre de l’intérieur, en particulier, et le dévouement do M. Visschers, conseiller aux mines.

Ce second Congrès de la paix eut lieu les 20, 21 et 22 septembre, sous la présidence de M. Visschers, dans la salle de la Société royale de la grande Harmonie. Cent soixante délégués anglo-américains, dont trente darnes, vinrent d’Angleterre pour y assister. Ils avaient à leur tête le vénérable M. Joseph Sturge, un des hommes qui ont le plus contribué par leur influence, leurs efforts et leur bourse à l’émancipation des esclaves. Après une remarquable discussion à laquelle prirent part MM. Ewart, membre du Parlement, Henri Vincent, de Londres, Suringar, d’Amsterdam, Roussel, de Bruxelles, Francisque Bouvet, représentant à l’Assemblée constituante de France, etc., la réunion adopta quatre propositions principales relatives ; à la condamnation de la guerre, à l’établissement d’une juridiction suprême pour les nations, à la rédaction d’un Code international et au désarmement général.

Ces résolutions furent présentées le 30 octobre suivant, par une députation du Congrès, à lord John Russell, premier ministre de la Grande-Bretagne. Lord John Russell applaudit beaucoup à la pensée qui avait présidé à la formation du Congrès de la paix, et insista sur ce point, que si, en cas de différend avec une nation, celle-ci proposait à la Grande-Bretagne d’en référer à un arbitrage, le gouvernement anglais croirait toujours de son devoir de prendre en sérieuse considération une semblable demande.

Il est vrai que depuis lord Palmerston n’a pas tenu la promesse de son collègue ; mais il est vrai aussi, et c’est là un symptôme bien consolant pour les amis de la civilisation, que la plus grande partie de l’opinion publique l’a vivement blâmé, et qu’il aurait été obligé de quitter son portefeuille s’il n’avait été protégé par le besoin généralement compris de maintenir intacte l’administration actuelle. On ne saurait trop le répéter, aujourd’hui la masse du peuple anglais veut sincèrement la paix. Elle comprend tout ce qu’il y a eu d’horrible pour l’humanité en général, et de désastreux pour elle en particulier, dans la politique suivie par son gouvernement à la fin du dernier siècle et au commencement de celui-ci. A l’appui de cette assertion, nous citerons l’accueil enthousiaste que reçoivent les Amis de la Paix, soit dans leurs meetings spéciaux, soit dans ceux où l’on s’occupe des réformes financières et des moyens de diminuer les charges publiques, soit dans ceux qui ont pour but de détourner les citoyens de souscrire les emprunts qui alimentent les passions et les préjugés guerriers, soit enfin dans ceux où la population de la Grande-Bretagne a été appelée contre la conduite barbare de quelques agents du gouvernement dans les mouvements insurrectionnels qui ont récemment éclaté à Ceylan et dans les îles Ioniennes.

Les membres du Congrès de Bruxelles s’ajournèrent à Paris pour l’année suivante. Dans le courant de juin 1849, MM. Elihu Burritt et M. Henri Richard, secrétaire de la Société de la paix de Londres, arrivèrent à Paris pour préparer le futur Congrès. Ils reçurent un excellent accueil de la part des membres de la Société de la morale chrétienne, de la Société d’économie politique, de la Société d’économie charitable, et des notabilités de la presse et du gouvernement. Bien que le droit de réunion fût encore suspendu, par suite de l’état de siège, M. Dufaure, ministre de l’intérieur, s’empressa de donner son autorisation au Congrès. Grâce à leurs efforts, auxquels ils voulurent associer l’auteur de cette note, toutes choses se trouvèrent disposées pour le Congrès.

Le 22 août, à midi, le Congrès s’ouvrait dans la jolie salle Sainte-Cécile [59, rue de la Chaussée d’Antin], qui avait été artistement ornée pour la circonstance. Derrière le bureau du président et autour de l’enceinte réservée aux Amis de la Paix, on avait disposé eu faisceaux fraternels les drapeaux de la France, de l’Angleterre, des Etats-Unis, de la Belgique, de la Hollande, etc. La réunion, composée, en grande partie, des délégués des Sociétés des Amis de la Paix de l’Angleterre, des Etats-Unis et des antres nations étrangères, présentait l’aspect le plus pittoresque. Ou y distinguait les quakers à leur habit noir au collet relevé, à leurs chapeaux aux larges bords, et mieux encore, à leur physionomie fine et bienveillante. Dans les tribunes, on remarquait aussi quelques jolis visages de quakeresses, emprisonnés dans d’énormes chapeaux gris, dépourvus de tout ornement. Les places réservées aux visiteurs étaient envahies par une affluence considérable. On comptait dans la salle vingt-trois délégués américains, vingt-un des Etats-Unis, un de Montréal, un de Guatemala; parmi eux se trouvaient deux anciens esclaves ; un de ces délégués avait fait plus de sept cents lieues dans les terres, pour venir s’embarquer à New-York. Les membres anglais du Congrès, la plupart délégués par des villes ou des réunions convoquées à cet effet, étaient au nombre de plus de trois cents. On comptait mieux cent trente Français, vingt-trois Belges, et un petit nombre de Suédois, d’Allemands, d’Italiens, d’Espagnols. Dans l’enceinte réservée au public, se pressaient plus de deux mille personnes, dont trois cents visiteurs anglais venus spécialement pour le Congrès, en compagnie des délégués.

Cette assemblée a fait l’admiration de ceux qui y ont assisté; le retentissement que ses discussions produisirent fut grand dans Paris, et étonna singulièrement ceux qui n’avaient voulu d’abord voir dans cette manifestation qu’une excentricité de philanthropes.

La presse reproduisit tout au long ces discussions ; et avec les magnifiques discours de Victor Hugo, de Richard Cobden, du pasteur Athanase Coquerel, du R. John Burnett, de l’abbé Deguerry, de Henri Vincent, cet ancien centremaître de Manchester devenu un des hommes les plus éloquent de l’Angleterre, et de l’éminent publiciste Émile de Girardin, etc., la parole de paix circula dans le monde entier, et jeta dans tontes les âmes des semences fécondes que l’avenir verra lever.

Le Congrès de Paris a renouvelé, en les pressant encore davantage, les vœux du Congrès de Bruxelles, déjà émis par des centaines de meetings, en Amérique et au delà do la Manche, savoir : « Que, la paix pouvant seule garantir les intérêts moraux et matériels des peuples, le devoir de tous les gouvernements est de soumettre à un arbitrage les différends qui s’élèvent entre eux, et de respecter les décisions des arbitres qu’ils auront choisis ; Qu’il est utile d’appeler l’attention immédiate de tous les gouvernements sur la nécessité d’entrer, par une mesure générale et simultanée, dans un système de désarmement, afin de réduire les charges des États et en même temps faire disparaître une cause permanente d’inquiétude et d’irritation entre les peuples ; — Et qu’il est temps de préparer l’opinion publique, dans tous les pays, à la formation d’un Congrès des nations, dont l’unique objet serait la rédaction de lois internationales et la constitution d’une Cour suprême à laquelle seraient soumises toutes les questions qui touchent aux droits et aux devoirs réciproques des nations. » En outre, le Congrès, renfermant plusieurs hommes pratiques, a énergiquement repoussé les emprunts et les impôts destinés à alimenter les guerres d’ambition et de conquête. S’il n’a pas compris dans sa réprobation toutes les autres guerres, c’est que la majorité, composée d’étrangers, a voulu éviter qu’il soit fait allusion aux événements du moment, et notamment à l’intervention armée de la France à Rome.

Le Congrès a recommandé à tous ses membres de travailler, dans leurs pays respectifs, à faire disparaître, et par une meilleure éducation de la jeunesse, et par toute antre voie, les préjugés politiques et les haines héréditaires qui ont été si souvent causes de guerres désastreuses. Il a adressé la même invitation h tous les ministres des cultes revêtus de la sainte mission de nourrir les sentiments de concorde parmi les hommes, ainsi qu’aux divers organes de la presse qui agit si puissamment sur le développement de la civilisation. Enfin il a fait des vœux pour le perfectionnement des voies de communication internationale, pour l’extension de la réforme postale, pour la généralisation des mêmes types de poids, de mesures et de monnaies, pour la multiplication des Sociétés de la paix, qui seraient appelées à correspondre entre elles.

On s’est étonné que le Congrès n’ait pas compris dans ses vœux la réforme des tarifs qui ont été la cause directe ou indirecte de tant de guerres; mais la réunion n’a pas voulu que la discussion se fixât sur les questions commerciales, afin d’éviter tout prétexte aux diatribes des prohibitionnistes, qui auraient signalé dans le Congrès de la paix le cheval de Troie du libre échange

On demande souvent quel résultat pratique pourra être obtenu par l’influence de ces associations et de ces Congrès. Mais n’est-ce pas déjà un grand et admirable résultat d’avoir réuni fraternellement des représentants éminents de la France, de l’Angleterre, des Etats-Unis, de la Hollande et de l’Allemagne, ces nations naguère ennemies ? N’est-ce pas un admirable résultat d’avoir fait applaudir l’idée de la paix dans le principal foyer de l’esprit de la guerre ? N’est-ce pas un admirable résultat que l’acclamation de l’archevêque de Paris comme président d’une assemblée, composée en grande partie de quakers et de protestants? Lorsque l’opinion sera gagnée à la cause de la paix, les gouvernements ne pourront plus faire la guerre, et cette grande cause de barbarie et de misère ne pèsera plus sur l’humanité. Or, le Congrès de Paris a exercé sur l’opinion une influence notoire, et par conséquent il a atteint le résultat le plus important et le plus pratique qu’il pût souhaiter d’atteindre.

Mais ce qui prouve que les Amis de la Paix ne sont pas aussi utopistes qu’on pense, et que tous les hommes sérieux dans la politique avouent tout bas que le système suivi jusqu’à ce jour des nombreuses armées, des grandes flottes, des gros budgets, des dettes progressives, ne peut durer ; c’est qu’après avoir épuisé les forces ou irrité les populations au sujet d’un différend, ils ont recours à des espèces d’arbitrages, et finissent par où les Amis de la Paix leur conseillent de commencer !

Déjà les pouvoirs publics ont eu leur attention éveillée sur les questions agitées au Congrès de la paix, et plus d’une fois ils ont écouté avec intérêt des propositions d’arbitrage et de désarmement. En 1844, la législature de l’État de Massachussetts a déclaré solennellement que l’arbitrage devait remplacer le duel entre les nations, et a invité le Congrès de l’Union à prendre l’initiative de la formation d’un Congrès universel. Cette proposition était introduite, il y a deux ans, par M. Amos Turk, au sein de la Chambre des représentants, et par M. Francisque Bouvet, au sein de l’Assemblée Constituante de France. En 1849 (juin) une motion analogue de M. Richard Cobden, appuyée de mille pétitions couvertes de deux cent mille signatures, était soutenue par soixante-dix-neuf voix (sur 255) : soixante-dix-neuf voix au sein de l’Assemblée politique la plus pratique, dans laquelle il n’y avait eu, il y a dix ans, que 44 voix en faveur de la motion de M. Villiers pour la réforme des lois céréales obtenue en 1846 ! Quant à la question des armements et des dépenses ruineuses qu’ils entraînent, elle s’impose d’elle-même à tous les gouvernements et à toutes les Assemblées publiques, au moins une fois l’an, quand il s’agit de compter avec le contribuable.

En résumé, les seuls arguments qu’on oppose aux Amis de la Paix sont tirés de la force des préjugés et do la difficulté de les vaincre. Eh bien ! grâce à Dieu, l’histoire de l’humanité prouve que les préjugés ne sont pas éternels.

Joseph Garnier

 

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