Propositions pour un nouveau paradigme

Lorsque, en septembre 2001, le World Trade Center s’est effondré, j’étais depuis six mois retiré de la vie des affaires et désireux de me consacrer à « l’écriture », dans deux domaines : la philosophie politique et le roman.
Depuis, j’ai produit des milliers de pages, plus soucieux de contenus que de publications…
Politiquement, il m’a longtemps semblé que quelque chose pouvait m’échapper qui serait susceptible de changer les proportions de ce que j’avais conçu. J’ai donc avidement suivi l’actualité à la recherche de processus que j’aurais négligés mal compris.width=Cette incertitude et des contraintes d’ordre personnel m’ont fait différer le « bouclage » du roman, une vaste saga historique dont la trame définitive est structurée par le travail philosophique.
C’est parce que celui-ci était stabilisé que, début 2018, à la faveur d’une amicale invitation, je me suis associé au mouvement convivialiste.

Dix ans plus tôt, à la faveur d’un échange sur les conséquences (intellectuelles) à tirer de l’écroulement des tours du World Trade Center, j’écrivais :

« La question est de savoir s’il y a lieu ou pas de changer de paradigme et comment.
Quand cela se fait, c’est toujours pour des raisons idéologico-politiques ET sur des faits dont on ne peut rendre compte dans le paradigme précédent.
L’écroulement des tours et immeubles 1, 2 et 7 du World Trade Center est un groupe de faits de cet ordre.
Reste à élaborer ce nouveau paradigme.
Il peut être suggéré « artistiquement » et développé intellectuellement, mais ne peut se constituer que par un processus collectif. »

Il me semble – du moins, je l’espère – être parvenu au début de ce processus collectif.

C’est la raison pour laquelle j’ai récemment adressé à Alain Caillé, l’animateur du réseau convivialiste, et quelques correspondants que je crois intéressés par ces questions des « propositions (à débattre) pour un nouveau paradigme ».

Un tel débat se fera sur la durée. Il s’agit d’en fixer les étapes. Le plus pratique est de le faire sur ce site dont c’est la raison d’être, en attendant que les traces de ces réflexions soient reprises ailleurs.
Pour que l’ensemble reste lisible, je m’en tiens pour cette fois au courriel que, le 6 septembre, j’ai adressé à Alain Caillé et quelques autres convivialistes. Je regrouperai dans un autre message les premières réactions obtenues et les commentaires qu’elles m’inspirent.

SOMMAIRE

Ambiguités
Les recherches effectuées
La tension entre (vieil) hubris et (nouveau) paradigme…
De l'illimitation des comportements à celle des situations
De la lutte contre l'hubris à la sécurisation des situations
Exemples de politiques parant à l’illimitation de certaines situations
Le dilemme de sécurité, maladie auto-immune des sociétés
Programme de travail (premier jet)
Hantises existentielles et « jamais plus » névrotiques
À chacun maintenant de se prononcer

 

Ambiguités

Cher Alain,

Nous étions convenus que je vous enverrais un « article » vous permettant de vous prononcer sur les idées que je propose en matière de changement de paradigme.
Il n’est pas certain que ç’ait été tout à fait votre question mais, comme le disait Georges Marchais, « c’est ma réponse ! ».

Si je mets un sourire dans cette introduction, c’est parce que je suis, avec les Convivialistes, dans un rapport contradictoire.
D’un côté, je suis séduit par nombre des productions convivialistes (j’ai pris le temps de vous lire, attentivement souvent, ainsi que Dany-Robert Dufour, Marc Humbert, François Flahault, Daniel Bougnoux, Augustin Berque et plusieurs numéros de la revue du MAUSS). De l’autre, je vous vois personnellement très pris pour remplir vos engagements et fédérer le plus d’acteurs possibles.

J’ajoute à cela que votre insistance pour mettre en avant le thème de l’hubris m’a paru d’emblée incompatible avec celui de l’élaboration d’un nouveau paradigme.
Dès lors, à chaque tentative que je faisais pour « boucler » mon envoi, ce qui aurait été simple si je nous sentais en connivence, je constatais que je commençais par une démolition en règle des propos « convivialistes » sur l’hubris.
Or je cherche la coopération.

C’était donc contraire au but poursuivi et, par ailleurs, je ne voulais en aucun cas reproduire les combats fratricides qui marquent l’émergence de tant de mouvements de pensée novateurs.
Sur le moment, ces conflits semblent inévitables. Avec le recul, on comprend que toute vraie novation procède d’un affleurement souterrain qui se manifeste d’abord par de multiples « sources » dont la cause profonde reste inaperçue. Les « inventeurs » des ruisselets qui en naissent s’en réjouissent et s’en vantent mais, à mesure qu’ils réalisent que d’autres ont eu la même chance, ils entrent en concurrence et se battent pour prévaloir. L’optimisation de la ressource découverte en est retardée d’autant.

Si j’ai voulu m’associer aux Convivialistes pour mener à bien le travail que j’ai amorcé il y a seize ou dix-sept ans, c’est bien parce que les idées qui me portent affleurent à tout instant dans leurs discours et leurs écrits. Ne tombons pas dans les erreurs de nos prédécesseurs.

Les recherches effectuées

 [↑]

C’est pourquoi, en attendant que le dialogue, éventuellement, s’établisse, j’ai mis l’accent sur la « recherche ».

Elle a essentiellement porté sur les « précédents » susceptibles de nous éclairer…
1) sur les effets réels des idées dont nous avons hérité et dont, au moins par habitude, nous assurons « la maintenance », et…
2) sur les erreurs à ne pas commettre dans nos efforts présents.

Cela m’a conduit à travailler particulièrement sur trois courants de pensée du dix-neuvième siècle et de la première moitié du vingtième : les socialismes, les anarchismes et les pragmatismes.
Si l’évolution des sociétés se fait en spirale, nous sommes en fin de cycle et donc à nouveau confrontés aux questions qu’ils se posaient.

À cela s’ajoute une observation transverse, évidente pourtant quand on y songe : au lendemain de chaque grande crise politico-militaire, des penseurs ont tenté d’imaginer d’autres et meilleures façons de faire société. C’est dans cette mouvance que je m’inscris. L’inventaire des productions de chaque époque est donc pour moi particulièrement instructif en même temps qu’émouvant. Je l’ai fait, avec souvent d’agréables retrouvailles (par exemple Paul Valéry et la Société des Esprits), mais aussi des découvertes (pour moi) démonstratives (voir sur ce blog Le Grand Dessein d’Henri IV).

L’examen que je faisais des socialismes m’a d’autre part rappelé la notion de « religion industrielle » promue par Henri de Saint-Simon. La creuser m’a renvoyé à Pierre Legendre et fait découvrir la passionnante synthèse réalisée par Pierre Musso :  La religion industrielle : monastères, manufactures, usines. Une généalogie de l’entreprise. Fayard 2017.

Merci à eux de remettre au premier plan un autre et considérable « précédent » : le mouvement monastique. Mille ans d’histoire, d’innovations et de dérives avec, pour nous, un héritage laïcisé des plus vivants et d’autant plus puissant qu’il est moins explicite.

Enfin, considérant que, quoiqu’il en soit de ma trajectoire et de celles des Convivialistes, je voulais garder un rapport fraternel (antithèse des combats fratricides  évoqués ci-dessus), je me suis dit que je ne pouvais éviter le thème de l’hubris.

Quand on tente de parler avec quelqu’un, il faut le prendre là où il se trouve et c’est seulement ensuite, s’il le veut bien, qu’on pourra essayer de l’entraîner dans la direction qu’on aimerait explorer avec lui (ou eux en l’occurrence).

J’ai alors entrepris une double anthologie :
1) des mentions que les Convivialistes font de l’hubris et…
2) de celles des mentions antiques de l’hubris qui nous éclairent sur les diverses fonctions du concept.

Tâche utile mais longue, intéressante tout de même quand il s’agissait de mieux saisir la façon dont tel ou tel Convivialiste raisonne.
Tâche agréable et même passionnante lorsque je me plongeais ou replongeais dans les textes antiques puisque c’était aussi l’occasion de découvertes annexes dans un domaine culturel dont, pourtant, je suis pétri. À titre d’exemple, l’une de ces découvertes (dans Plutarque) a atterri sur ce blog : L’ostracisme, un vice démocratique.

Je ne suis évidemment pas le premier à m’interroger sur l’usage du mot hubris (et de ses dérivés) dans l’Antiquité. Sur ce sujet, j’ai découvert un ensemble magistral : les quatre numéros que la Revue en ligne Kentron (Revue pluridisciplinaire du monde antique) a consacrés à la « démesure » (c’est-à-dire l’hubris), en 2004, 2005, 2006 et 2007.

C’est passionnant et fourmille de références que j’ignorais ou que je n’avais su percevoir en première lecture. Les textes-source sont comme les faits-origine : pour se comprendre, on n’en finit jamais de les relire.

Tel est à peu près le parcours du mois et demi qui vient de s’écouler. Mon but n’était ici que d’en faire un bref compte rendu pour donner le contexte de ce qui suit : ce que j’ai à vous dire sur…

La tension entre (vieil) hubris
et (nouveau) paradigme…

 [↑]

L’hubris antique désigne une transgression sacrilège à l’ordre divin et, par extension, à l’ordre civique puis, de façon plus prosaïque, à l’ordre social et au bon sens, avec sanction proportionnelle (anéantissement collectif, mise à mort du criminel, exclusion, ruine, ridicule…).

Nos contemporains, convivialistes ou pas, parlent de l’hubris en moralistes ou psychologues sur fond d’angoisses catastrophistes. Pour se faire comprendre du grand public, ils traduisent « hubris » par : démesure, illimitation, toujours plus, etc.

Ce que j’en pense ?

Le moralisme peut temporairement corriger un individu, et le psychologisme l’apaiser, voire l’aider à se libérer d’une névrose (voir infra) mais, contrairement au bavardage public des grandes institutions, ces deux approches n’ont qu’un rôle d’appoint dans le contrôle des mouvements collectifs.
Ceux-ci relèvent en fait d’une analyse politique, la seule d’ailleurs qui soit pertinente du point de vue catastrophiste dont ces micro-discours (moralisants, psychologisants, etc.) s’autorisent encore à notre époque pour sortir de la sphère privée.
Ils ne servent qu’à calmer ceux qui les tiennent, quitte à leur inspirer des loisirs militants. On tombe là dans le piège conceptuel de l’alternative forcée conservateur ou révolutionnaire ? Ceux qui s’y enlisent oscillent indéfiniment de l’un à l’autre, du ne rien faire à détruire quelque chose, sans prise réelle sur les forces en jeu.
Sur 2500 ans, cette problématique de l’aveuglement ne nous a menés que de la Caverne de Platon au Cabaret du Néant !

La solution théorique est pourtant évidente, particulièrement pour un groupe comme celui des Convivialistes où l’approche sociologique est en facteur commun.

Le premier geste à faire est d’abandonner l’individualisme méthodologique qu’ils critiquent chez les Néolibéraux, et le second de partir des situations plutôt que des personnes.

1) « L’illimitation des comportements » nous fait courir collectivement des risques insupportables, dites-vous ?
2) Il faut donc « lutter contre » ?

Je récuse ces deux propositions.

De l’illimitation des comportements
à celle des situations

 [↑]

Comprendre un phénomène, c’est lui supposer derrière les apparences des raisons permettant de le prévoir et donc de s’y adapter, voire d’y prendre appui pour en tirer parti.
Le premier pas nécessaire pour comprendre les comportements humains est de les supposer rationnels, et la démarche pour y parvenir implique qu’on se tienne à cette hypothèse : ces comportements dépendent de la perception que les acteurs ont des situations où ils se trouvent.

Ceci posé, revenons à l’hubris.

Certaines personnes, certains groupes, certains systèmes humains ont des comportements que vous trouvez excessifs, une tendance à la démesure qui frise l’autodestruction et présage en retour, un jour ou l’autre, des catastrophes pour eux, leurs homologues et peut-être pour nous tous ?

Dès lors qu’on suppose que ces acteurs ont leurs raisons, ce n’est plus l’illimitation de leur tempérament que nous allons postuler mais celle des situations dans lesquelles ils se trouvent.

D’où ma première contre-proposition :

illimitation des comportementsillimitation des situations
Convivialistes de tous les pays, pensez en sociologues, que diantre !

 

De la lutte contre l’hubris
à la sécurisation des situations

 [↑]

Deuxième proposition critiquée : il faudrait « lutter contre l’hubris ».

Avec des variantes, l’idée se trouve partout dans les textes convivialistes et vous utilisez encore cette expression dans votre message de ce dimanche 2 septembre à 17h12. Il est vrai que vous lui donnez ensuite un développement plus complexe lorsque vous dites que « avancer en humanité suppose de surmonter, individuellement et collectivement, le risque qui menace tous les humains, celui de basculer dans ce que les Grecs anciens appelaient l’hubris, la démesure, la perte du sens des limites, le désir de toute-puissance, dont la forme aujourd’hui dominante est ce que les mêmes Grecs appelaient la pléonexie (« vouloir posséder toujours plus »). »

Comme nous tous, j’accepte la seconde formulation, mais c’est la première qu’on retient.

Or, si nous sommes d’accord pour penser en sociologues, donc en systémiciens, notre premier devoir dans le champ de l’action est de ne considérer les effets directs attendus qu’au regard de la longue chaîne des effets en retour. Cela suffit à réfuter tout programme de « lutte contre l’hubris » qui n’expliciterait que (ou surtout) sa dimension répressive.

On connaît les désastres engendrés par de telles politiques : la tragédie multiséculaire des guerres humanitaires, les dérives de la psychiatrie, l’expérience de la prohibition aux États-Unis, celle des politiques antidrogues et, aujourd’hui, les perversités sexuelles systémiques des institutions catholiques, nous les rappellent.

Exemples de politiques parant à l’illimitation
de certaines situations

 [↑]

Ceci admis (?), à quoi peuvent ressembler des politiques tendant à parer à l’illimitation de certaines situations ?

Les exemples sont nombreux mais le plus évident peut-être concerne la circulation routière.

Pour diminuer les accidents de la route, loin de se focaliser sur l’hubris (l’imprudence, l’irresponsabilité, la folie des grandeurs, la violence incontrôlée, les intentions criminelles, la distraction…) de certains conducteurs, on a entrepris un travail de longue haleine dans toutes les dimensions de de la sécurité routière
1) qualité et entretien des routes, tracé de celles-ci et gestion des croisements ;
2) caractéristiques et entretien des véhicules, adhérence des pneus, dispositifs de sécurité par rapport aux obstacles éventuels et pour les passagers ;
3) généralisation et clarification de la signalétique, avec formation systématique des conducteurs ;
4) limitation de vitesse par affichage et aménagement des voies, généralisation de l’information commune et embarquée ;
5) appoint répressif à cet ensemble avec surveillance accompagnée de sanctions proportionnelles ;
6) publicité donnée au sort des accidentés, etc.

Les résultats sont spectaculaires, malgré les capacités accrues, la diversification et la multiplication des véhicules à moteur. Dans le domaine de la sécurité routière au moins, conformément aux souhaits que Marc Humbert exprimait en mars 2018 à Tokyo, la technique évolue en relation avec une certaine prise en compte de l’humain.

Autre exemple, mais il a l’inconvénient de n’être perçu que par le relativement petit nombre des praticiens concernés : la sécurité des grandes installations industrielles. On ne l’obtient que par la mise en place de politiques « zéro défaut » dans toutes les dimensions de l’action collective.

Pas de jugements moraux ou de considérations psychologiques là-dedans ; on pense situations, systèmes, résultats durables et moyens à mettre en place.

Le dilemme de sécurité, maladie auto-immune des sociétés

 [↑]

Le mot-clé dans ces exemples ? La sécurité.
Nul hasard là-dedans car quelle est la relation entre l’illimitation des situations et le toujours plus des acteurs : l’insécurité (réelle ou perçue).

Encore faut-il, pour le comprendre pleinement, déplacer notre attention de l’acteur au système : comme l’humain est tissé de réciprocité, l’insécurité d’un acteur insécurise ses partenaires dont la réaction, pour se protéger, l’insécurise en retour.

Ce cercle vicieux a été abondamment étudié par ceux qui s’efforcent de penser les relations internationales. C’est le « dilemme de sécurité » mis en avant par les philosophes politiques qui se veulent « réalistes ». Ainsi s’explique la plupart des « courses à » (aux armements, à la richesse, au pouvoir, au prestige, au sexe, aux gadgets, etc.), suivant une dynamique bien identifiée par la Revue du MAUSS (une des sources de la pensée convivialiste) lorsqu’ils soulignent par exemple l’importance du « besoin de reconnaissance ».

Ce risque auto-immune des réseaux relationnels est tel que de n’importe quel problème de communication peut faire naître un dilemme de sécurité et, si le réseau est instable, il prolifère.

Cancer sociétal connu depuis « toujours », mais interprété par chaque époque en fonction de ses moyens. Les Grecs de l’Antiquité, par exemple, nous l’ont livré en forme de mythe.
C’est l’histoire du Jugement de Pâris. Eris n’ayant pas été invitée à un mariage olympien, elle devint la déesse de la discorde en jetant une pomme d’or gravée de l’inscription « Pour la plus belle » entre Aphrodite, Héra et Athéna. La première l’emporta. Il est vrai qu’elle sut corrompre le jeune berger Pâris en lui vouant la belle Hélène. Cette faute impardonnable nous a valu la guerre de Troie.

Accidentels ou malignement provoqués (dans l’entreprise, on parle de « mise en concurrence »), les dilemmes de sécurité sont donc pour tout système humain, du plus petit au plus grand, un risque permanent.

Cela veut dire que, pour ceux qui s’accordent sur le mot d’ordre « dépasser les conflits inutiles et réduire les souffrances évitables » (qui est ma ligne de conduite), le premier objet des « relations de concordance » à mettre en place, est la sécurisation (ou l’assainissement) des situations, en vue de rendre les systèmes sociaux concernés moins vulnérables à l’émergence, voire à la prolifération de « dilemmes de sécurité ».

D’où ma seconde contre-proposition :

lutter contre l’hubris assainir les situations

 

Programme de travail (premier jet)

 [↑]

Les idées que je propose étant ainsi mises en place, il s’en déduit un programme de travail…
Les faire circuler pour qu’elles progressent par le débat.

La recherche d’adhésions me semble sans objet. Quand les idées sont justes et les formulations optimales, une circonstance se présente qui les met en action.

L’assainissement d’un système social est une œuvre complexe qu’on ne peut mener à bien sans concordance profonde entre les acteurs concernés autour d’un objectif commun « négatif » clairement identifié, de l’ordre du dépassement des conflits inutiles et de la réduction des souffrances évitables.

Sauf dans des cas simples, pour qu’une coopération authentique et durable s’établisse, il est nécessaire de « déblayer le terrain » de tout ce qui ressemble à des rapports de domination.
Or les techniques de domination sont au cœur de l’idée même de « civilisation ».

L’avènement du nouveau paradigme ne se fera donc pas sans passer par la critique méthodique des idées dont nous avons hérité, à commencer par toutes celles qui ont un relent d’absolu (vérité, réalité, paix, universalité, humanité…). Les renoncements correspondants forment la part « négative » de l’approche proposée. Ce nettoyage opéré, il sera possible de réorganiser les disciplines et savoirs correspondants à l’exemple, pour rester dans le domaine des « sciences » humaines, des travaux de contre-histoire populaire menés par Howard Zinn.

Les sciences sociales sont évidemment au premier rang des disciplines mises en cause par le changement de paradigme proposé. C’est là pour elles une situation paradoxale mais inévitable : toute discipline s’y confronte quand elle approche des limites du savoir existant. Les praticiens concernés se divisent alors pour un temps plus ou moins long avec, à la clé, non pas le triomphe universel d’une doctrine, mais un paysage recomposé, des alliances et des divergences nouvelles. Il s’agit d’un processus évolutif complexe…
Il va donc falloir en expliciter les conséquences pour les professions et institutions concernées.

Enfin, une des caractéristiques d’un système sain est que chacun y dispose de libertés suffisantes.
Dans l’exemple donné de la sécurité routière en pays « développé », les véhicules, les vitesses et les trajets sont différents, mais tout cela s’harmonise pourvu qu’il n’y ait pas de « bouchon ». S’il s’en produit, en peu de temps le système diverge, ce que, dans tel pays du « tiers-monde », il fait presque toujours.

Pour arriver à cette harmonie différenciée, il faut avoir accumulé un capital matériel et immatériel considérable. Comme on ne peut tout faire en même temps, l’établissement de priorités est… prioritaire. Ces priorités peuvent être poursuivies durablement sous condition que l’environnement soit stable et qu’elles soient consensuelles parce que le grand nombre croit qu’elles lui bénéficient. De telles « majorités » se constituent dans un processus de « rationalité limitée ».
À terme, les résultats obtenus sont donc éminemment discutables, ainsi qu’on le voit sur la question écologique. Constatons tout de même que la sécurité étant le « primum mobile » des systèmes humains, un large accord semble se faire sur la prévention des maladies contagieuses.

Les hommes, après tout, sont rationnels. C’est la seule hypothèse tenable. Il n’y a donc pas lieu de désespérer.

Hantises existentielles
et « jamais plus » névrotiques

 [↑]

Il n’empêche que, individuelles et collectives, nos perceptions peuvent être biaisées. Elles le sont d’ailleurs souvent, d’autant plus fortement que l’histoire les ancre profondément dans nos cultures.
C’est dire qu’il y a peut-être plus dangereux que les « toujours plus » hubristiques constamment suscités par de nouveaux dilemmes de sécurité : les « jamais plus » névrotiques qu’ont déclenché hier des expériences traumatiques.

Qu’il s’agisse d’un individu, d’un collectif ou d’une institution, le névrosé se trompe de temps : il agit maintenant comme il l’a décidé autrefois. Hanté par l’horreur qui a failli le détruire, il force la situation présente jusqu’à ce qu’elle ressemble à celle, passée, dont il prétend sortir et trouve ainsi confirmation de son obsession.

De telles névroses structurent l’idée même de civilisation.

En voici un aperçu synthétique…

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Il s’agit donc avant tout de dégager nos raisonnements des scories laissées par ces millénaires d’obsessions hégémoniques et de névroses ataviques qui portent le concept de « civilisation ».

Voilà le programme…

À chacun maintenant de se prononcer

 [↑]

Questions à vous-même et à tous…

– Quel est votre avis ?
– Quel est votre conseil ?

Bien cordialement,
Pierre

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