Trahir la paix ?

La France de Macron est aujourd’hui entraînée vers la guerre par l’Europe et l’OTAN. Avant de faire un pas de plus, regardons en arrière, vers une autre France qui, en 1790, voulait échapper à une nouvelle « guerre des rois ».

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À la suite d’un incident maritime du côté de Vancouver, entre la Grande-Bretagne et l’Espagne, en un temps où la France avait encore des intérêts en Amérique du Nord, Louis XVI se jugeait tenu par le pacte des Bourbons de France et d’Espagne.

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Par solidarité avec l’Espagne, il voulut préventivement renforcer sa marine.
Montmorin, son ministre, demanda donc à l’Assemblée constituante de voter un « secours », mais l’Assemblée posa une question préalable : « La nation doit-elle déléguer au roi l’exercice du droit de la paix et de la guerre ? ».

Par vote, elle répondit que la décision lui appartenait « sur proposition du roi » et, pour étayer ce refus d’une « guerre des rois », elle assortit la Constitution d’un alinéa mémorable :
« La Nation française renonce à entreprendre aucune guerre dans la vue de faire des conquêtes, et n’emploiera jamais ses forces contre la liberté d’aucun peuple. »

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Cette heureuse précaution des représentants du peuple aura peu d’effet : le poison de la guerre était dans les esprits.
L’Autriche et la Prusse menaçaient, des hommes de progrès venaient de toute l’Europe et même des États-Unis. À l’Assemblée, dans les clubs, au Procope, on débattait : la France se libérait de la tyrannie, ne devait-elle pas porter secours aux peuples frères qui en souffraient encore ?
Tentation perverse, mais elle enthousiasmait certains.

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Le 17 janvier 1792, le président de l’Assemblée législative, Jean Antoine d’Averhoult, lui opposa la voix de la raison :
« Les amis de la liberté voudraient venir au secours de la Philosophie outragée par la ligue des princes, ils voudraient appeler tous les peuples à cette liberté, et propager une sainte insurrection ; voilà le véritable motif des démarches inconsidérées qu’on vous propose.
Mais devez-vous laisser à la philosophie elle-même le soin d’éclairer l’univers, pour fonder, par des progrès plus lents mais plus sûrs, le bonheur du genre humain et l’alliance fraternelle de tous les peuples ?
Ou bien devez-vous, pour hâter ces effets, risquer la perte de votre liberté et celle du genre humain, en proclamant les droits de l’homme au milieu du carnage et de la destruction ? »

Source : Jaurès, Histoire socialiste de la Révolution française, 1902, p. 908.

L’argument était fort, on l’écouta, puis chacun réfléchit aux avantages et aux inconvénients d’une telle approche « philosophique » pour lui, son parti, sa cause.
On était dans un climat d’insécurité. Dans les frontières et au-dehors, chacun se protégeait mais les positions s’effritaient et l’angoisse montait. Pour en sortir, il fallait poser des actes et des mots, reprendre l’initiative.
Les craintes des désirs de chacun fusionnèrent dans le brasier d’une guerre générale.

Le 20 avril 1792, « sur proposition de Louis XVI », l’assemblée législative vota la guerre « au roi de Bohême et de Hongrie ».
Ainsi la France et l’Europe trahirent-elles la paix pour faire place aux 23 ans de meurtres et de destructions qui suivirent.
Louis XVI l’inconscient n’en vit qu’une partie : il fut guillotiné le 21 janvier 1793.

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La France de Macron n’est pas plus en guerre contre la Russie, que celle de Louis XVI ne l’était contre la Grande-Bretagne… ni moins !

Examinons le parallèle…

On a là deux gouvernants qui répondent à un risque extérieur par le réarmement, non pour servir les intérêts de leurs citoyens ou sujets, mais pour tenir des engagements antérieurs dont dépend leur crédibilité vis-à-vis de leurs pairs. Avec de tels calculs, d’autres désastreux irresponsables viennent à l’esprit à l’approche de 1914, Guillaume II et Nicolas II par exemple, mais vous connaissez la suite…

Si vous connaissez l’histoire, vous savez des possibles qui hantent notre horizon.

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Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les candidat(e)s, les ministres, les députés, les journalistes et publicistes, y a-t-il une voix audible parmi vous pour réclamer en France un vrai retour à la neutralité et, en Europe, une paix soutenable ?
Pour ceux qui, notoires, cherchent le bien commun, ce choix seul est digne et raisonnable.

Dans une rhétorique de guerre, il y a les personnes d’honneur et les traîtres. Cette alternative, pourtant, peut et doit être dépassée : l’alternative à la guerre, ce n’est pas la traîtrise, c’est la paix.
C’est celle-ci, la paix, qu’humainement on ne saurait trahir.

Neutralité pour la France et paix soutenable pour l’Europe, telle est la voie de l’honneur.
Mais cette voie est risquée, même en France
puisque (oublions Louis XVI) d’Averhoult fut « suicidé » en 1792, Jean Jaurès assassiné en 1914 et Julian Assange aujourd’hui encore étouffe dans une prison britannique.

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