Vade retro poesia !

Cette mauvaise herbe, elle pousse aux franges de la Cité comme entre les pavés.
width=Parole naissante, elle fait désordre et c’est pourquoi Platon la honnissait, mais elle fait vie aussi.
Cet art mêlé du Oui et du refus se répand chaque fois qu’un quelconque a mal à se faire entendre.
Il sait pourtant les mots de l’interstice et si enfin, sortant des bas-côtés, il trouve place, il donne racine à la mémoire et, beau comme le lierre ornant les vieilles pierres, on le célèbre dans la communauté.
Toujours le cri, la plainte et le désir mais désormais dans les anthologies avec parfois en rite d’espoir entre deux guerres, une cérémonie.

C’est ainsi qu’on vient à Tunis, aux lendemains désolés de trop fameux printemps, de réunir un peu tous les poètes d’outre-méditerranée.
Cela s’est fait sous la bannière des « Journées poétiques de Carthage » comme si « c’était à Mégara, faubourg de Carthage, dans les jardins d’Hamilcar », avec un double goût de ruines et d’espoirs.

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P.S. Voilà qu’un instant après avoir publié cet article, je découvre le suicide d’un jeune poète tunisien.

width=Avant de se pendre, il a écrit :
« Aujourd’hui je ne suis rien, un pas me sépare du néant, ou plutôt du saut. Étrange est la mort, elle est si peu chère : un dinar et demi pour acheter une corde et des cigarettes. Étrange est la vérité : si peu chère mais qu’on ne voit jamais… Vous aussi êtes étranges, si vous pensez que ma mort est le signe de mon égoïsme : regardez en détail, je n’ai pas voulu avaler les médicaments de ma mère, car on va oublier de les lui racheter après l’enterrement, je n’ai pas voulu me jeter sous une voiture ou d’un immeuble pour garder sains mes membres et en faire don plus tard… (…) Je vous adjure à faire du bien à vous-même et à aimer vos enfants (…) Investissez en eux et non pas pour eux (…) Il est quatre heures de l’après-midi du 27 mars 2018, je vous quitte à l’âge de 32 ans, quatre mois et deux semaines… Je vous aime tous, sans exception Je m’excuse auprès de tout le monde (…) C’est fini… » 

« Nidhal est mort pendu après avoir échoué à trouver du travail ou un espace pour canaliser ses énergies », écrit sur son blog la jeune écrivaine et activiste tunisienne Maha Jouini. « Nidhal n’était pas un jeune gâté, il disait ‘’Nous n’écrivons pas pour l’argent mais pour esquisser ce qui nous habite comme sentiments’’. »
L’écrivaine qui dit avoir déjà tenté de se suicider en se jetant dans un puits à cause du chômage et de la société masculine, poursuit : « Il a choisi de quitter la Tunisie laissant ses malédictions sur le visage d’une ville où bien vivre reste le monopole d’une certaine caste. Ceux dont les enfants étudient dans les meilleures écoles, dont les épouses portent les plus belles robes et dont les vieillards prient sur des tapis incrustés de joyaux ».

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