Vœux Macron 2023 : d’inimaginables mensonges

class=

« Qui aurait imaginé à cet instant, que, pensant sortir avec beaucoup de difficultés d’une épidémie planétaire, nous aurions à affronter en quelques semaines, d’inimaginables défis : la guerre revenue sur le sol européen après l’agression russe jetant son dévolu sur l’Ukraine et sa démocratie ; des dizaines,  peut-être des centaines de milliers de morts, des millions de réfugiés, une effroyable crise  énergétique, une crise alimentaire menaçante, l’invocation des pires menaces, y compris nucléaires ? Qui aurait pu prédire la vague d’inflation, ainsi déclenchée ? Ou la crise climatique aux effets spectaculaires encore cet été dans notre pays ? »

Enregistrement des vœux 2023 d’Emmanuel Macron ( de 1’56’’ à 2’34’’)

Source vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=KwxVWvqlsio
Transcription : https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2022/12/31/voeux-2023-aux-francais

Inimaginables mensonges

Ces « inimaginables défis », listés en une minute et demie, sont surtout d’« inimaginables mensonges ».

Pourquoi ? Parce qu’ils sont directement contraires à des faits aujourd’hui connus de tous.
Et pourquoi les relever ? Parce qu’ils sont criminels.

Le retour de la guerre sur le sol européen est criminel, cela va de soi, mais était-il inimaginable par les dirigeants et, particulièrement, par le président français ?
Absolument pas !

Les accords de Minsk

Comme on le sait, la France était à la fois signataire et garante des accords de Minsk (le protocole de Minsk le 5 septembre 2014, et l’accord de cessez-le-feu dit « Minsk II », du 11 février 2015).

Depuis ces accords et contrairement à eux, elle fournit à Kiev des armes, des renseignements et du personnel militaire.

Quant à la « politique » qu’elle a menée, elle l’a fait secrètement, hors du débat public, au prix d’un double langage dont la première fonction était, à l’égard des Russes, de déguiser les intentions de nos dirigeants et, à l’égard des Français, d’endormir leur vigilance sur les questions de sécurité nationale et de rapport à l’Europe.

Personnalités complices

Dans ces manœuvres irresponsables et antidémocratiques, les personnalités suivantes ont été directement impliquées. En tant qu’acteurs et observateurs de premier plan, elles ont été parfaitement informées de ce qui était soit public, soit réservé à des spécialistes ou encore secret…

  • François Hollande en tant que président (mai 2012 — mai 2017) ;
  • Emmanuel Macron, en tant que Secrétaire général adjoint du cabinet du président de la République (mai 2012 — juillet 2014), puis président de la République (depuis mai 2017 et réélu en avril 2022 ;
  • Jean-Yves le Drian, en tant que ministre de la Défense (mai 2012 — mai 2017), puis ministre de l’Europe et des affaires étrangères (mai 2017 — mai 2022).

À ces hommes, on doit ajouter en tant que « responsables de la Défense nationale » (art. 21 de la Constitution) les premiers ministres suivants :
– Manuel Valls (mars 2014 — décembre 2016) ;
– Bernard Cazeneuve (décembre 2000 — mai 2017) ;
– Édouard Philippe (mai 2017 — juillet 2020) ;
– Jean Castex (juillet 2020 — mai 2022) ;
– Élisabeth Borne (mai 2022, en exercice au moment de ces vœux).

Prétendus inimaginables

« L’agression russe jetant son dévolu sur l’Ukraine et sa démocratie » était donc bien plus qu’imaginable.
Comme la chronologie vient de le montrer, cette agression russe était anticipée, et fut provoquée par tous les dirigeants français (à l’exception d’Élisabeth Borne), en pleine complicité avec Washington, Berlin, Bruxelles, Londres, Kiev, Varsovie…

Chacun des termes de cet « inimaginable » est en outre biaisé…

  • L’expression « agression russe » est mensongère. Face au comportement des acteurs précédents, on devrait plutôt parler de « réaction de défense »… ou de « légitime défense » si l’on prend parti pour Moscou.
  • L’idée que la Russie a « jeté son dévolu sur l’Ukraine » est bien aventureuse. On a pu avoir cette impression en février 2022, lorsque Poutine espérait faire tomber l’équipe Zelensky et obtenir qu’ils soient remplacés par un gouvernement respectueux des intérêts russes. Moscou s’est depuis replié sur l’idée d’une partition de l’Ukraine avec Kiev d’un côté et une frange russe de l’autre, Crimée comprise, en continuité avec la Biélorussie, la Russie et la mer Noire. Kiev, comme on le sait, s’y oppose absolument.
  • Quant à l’idée de « démocratie » en Ukraine, elle est risible pour Kiev (voir la liste des gouvernements et coups d’État successifs, le niveau de la corruption, la violence, les politiques menées) et, du côté russe, elle ne désigne pas plus qu’un projet complexe et prématuré dans lequel on taille à la serpe en fonction des circonstances.

Déclarations d’irresponsabilité

En déclarant que c’était « inimaginable », Macron nous annonce qu’il ne prend aucune responsabilité dans les conséquences de ce qu’il présente comme les conséquences de « l’agression russe »…
« des dizaines, peut-être des centaines de milliers de morts, des millions de réfugiés, une effroyable crise énergétique, une crise alimentaire menaçante, l’invocation des pires menaces, y compris nucléaires ?
Qui aurait pu prédire la vague d’inflation, ainsi déclenchée ?
Ou la crise climatique aux effets spectaculaires encore cet été dans notre pays ? »

Autant de fautes

Autant de mensonges…

À la première question, la réponse est : la France devait œuvrer à la construction d’un accord européen hors OTAN avec la Russie (l’Europe « otanienne », loin d’être la paix, c’est la guerre, comme Emmanuel Todd le souligne depuis longtemps) et, à défaut, demander la neutralité de l’Ukraine, proclamer celle de la France et mener sa politique énergétique en toute indépendance à l’égard des États-Unis,

L’inflation qu’il évoque résulte de la faute précédente.

Quant aux effets spectaculaires de la crise climatique, ils sont annoncés depuis des décennies, même s’il est vrai que, chacun étant sui generis (inondation, grêlons, incendie, sécheresse, épidémie…), ils surprennent et manifestent notre manque d’anticipation.

Comment et pourquoi

Certes, Macron n’est pas seul responsable de l’enchevêtrement actuel et de ses conséquences catastrophiques mais — du fait de son erreur de jugement sur l’OTAN, l’Europe, la Russie, les États-Unis, la Chine et la dynamique des systèmes internationaux — il est parti à contresens sur la plupart de ces sujets : les morts et les destructions opérées dans l’espace russe européen, la crise énergétique, la crise alimentaire, l’Europe « otanisée », la remise en mouvement de la menace nucléaire, la nouvelle inflation et les impulsions que la France devrait donner en matière climatique.

Il n’y est pas arrivé par hasard…

Stratégiquement atlantiste de toujours, pendant son premier quinquennat, il s’est cherché un avenir européen (dont il est désormais prisonnier) et il a voulu assurer sa réélection en distrayant les esprits avec deux épouvantails (Le Pen et les retraites).

Rhétoriquement, ce suractif s’est laissé entraîner par la stupeur qu’il ressent en revoyant son parcours depuis qu’il s’est lancé en politique. Rien ne le préparait aux situations qu’il a rencontrées ou déclenchées avec ses ardeurs d’apprentis sorciers. Par souci de convaincre en jouant d’une émotion authentique, il exploite son ignorance d’il y a plus de 10 ans et la décale dans le temps pour nous faire croire qu’il sympathise avec la nôtre aujourd’hui alors que cette ignorance-là, celle du peuple français, a été entretenue par lui-même à la suite de ses prédécesseurs.

Ses prétendus vœux se lisent ainsi directement comme une confession personnelle dès lors qu’on les situe aux alentours de 2010 : « Comment aurais-je pu imaginer, aux alentours de 2010, que j’aurais un jour, en tant que président français, à… ».
Ainsi se comprend la grave dépression qu’il avouait récemment avant d’y parer médiatiquement par les gesticulations hystériques dont il a fait parade au Qatar devant l’équipe de France.

Pendant ce temps, la guerre continue pour le compte des États-Unis, et la France y joue un rôle criminel, comme les autres certes, avec une hypocrisie qui n’appartient qu’à elle, et contre l’intérêt des Français, pour ne rien dire de ceux de ses voisins, russophones ou pas…

Enjeux du scandale

Ai-je eu raison de m’étonner que le président de la République nous mente ? Après tout, des mensonges présidentiels (sans parler des habiletés trompeuses), j’en ai entendu bien d’autres.

Le premier qui m’ait marqué (j’étais bien jeune alors) a été le « Vive l’Algérie française ! » du général De Gaulle à Mostaganem en 1958.

Sautons bien des étapes, celle des présidents et politiciens que j’ai regardés avec curiosité (et indignation souvent) sans jamais croire qu’ils pensaient ce qu’ils disaient.

J’ai ensuite été choqué en 1995 par la candidature de Chirac sur le thème de la « fracture sociale ». « Tiens, il a écouté Emmanuel Todd ? Se pourrait-il qu’il change ? », me suis-je dit alors, avec un reste de la sympathie que j’avais eue pour lui lorsqu’il avait été mon maître de conférences à Sciences-po.
En lisant son opuscule de campagne, j’ai immédiatement déchanté.

Emmanuel Macron, depuis qu’il est apparu sur la scène publique, présente mieux et parle mieux que plusieurs de ses prédécesseurs. Il n’a cependant aucune crédibilité à mes yeux : comme je l’ai dit ci-dessus, sur les enjeux du moment, je lui reproche d’être parti à contresens et d’avoir occupé la galerie en « baratineur » alors que, d’un gouvernant, j’attends d’abord qu’il soit pour tous un pédagogue éclairé.

Banalités que tout cela…

Si je prends ici le temps de dénoncer les mensonges qu’il a proférés à l’occasion de ces vœux pour 2023, c’est qu’ils sont ceux d’un fauteur de guerre. C’est le pire qu’on puisse attendre de ce personnage incertain dont la Constitution fait (article 15) le « chef des armées ».

Ailleurs et en d’autres temps, une destitution sanctionnerait des mensonges aussi flagrants sur des enjeux vitaux pour la nation, et des résultats si contraires aux intentions affichées.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *