Y’a pas l’feu ? Mais si !

L’incendie de Notre-Dame est le troisième du genre.

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1. Les aspects techniques

Deux autres catastrophiques restaurations de charpente l’ont précédé.

La première fois (la cathédrale de Nantes en 1972), c’est une erreur.

La deuxième fois (la basilique de Nantes en 2015), ça montre qu’on n’a toujours pas compris.

Ce n'est pas un problème de surveillance...
« Une première alerte incendie s'est déclenchée à 18 h 20, a indiqué le procureur de la République de Paris, Rémy Heitz, lors d'un point presse ce mardi midi. Elle a été « suivie d'une procédure de levée de doute, mais aucun départ de feu n'a été constaté ». Une deuxième alerte se déclenche peu avant 19 heures, et cette fois, le feu est « constaté au niveau de la charpente.
Des pompiers de service sont présents 24 heures sur 24 dans la cathédrale, en complément du système de détection d'incendie, comme l'explique l'architecte en chef des monuments historiques dans un entretien au Point. Ils « montent trois fois par jour sous la charpente pour voir l'état des lieux, donc elle est surveillée », a précisé sur France Inter le recteur de la cathédrale, Mgr Chauvet. « Au niveau de la sécurité, je ne crois pas qu'on pouvait faire plus », estime-t-il.

C'est donc ailleurs qu'il faut chercher...
Voici une explication technique plausible et, je crois, importante (merci à Jean-François Raux de me l'avoir fait découvrir, bien que je n'en connaisse l'auteur):
« On soude des éléments métalliques tels que chéneaux en zinc, posés sur des éléments de charpente en bois, qui sont portées localement à plus de 270°. Même à l'abri de l'air, une réaction de pyrolyse démarre, et continue silencieusement, car exothermique. Cette réaction progresse dans la pièce de bois et gagne de proche en proche jusqu'à atteindre une partie exposée à l'air, ce qui permet enfin à la fumée de s'échapper. Il est alors trop tard pour éviter l'incendie car cette fumée remplie de radicaux libres s'enflamme alors immédiatement (tétraèdre du feu). Ce processus reste discret avant l'éclatement de l'incendie, puisqu'aucune fumée ne pouvait s'échapper avant que la pyrolyse (dite encore improprement « combustion lente » ou sans flamme) atteigne une partie exposée à l'oxygène de l'air.
C'est aussi ce qui explique que ce type d'incendie éclate avec retard, c'est-à-dire jusqu'à plusieurs heures après la cessation des travaux. »
N.B. Le même auteur mentionne comme incendies similaires le château de Mesnières-en-Braye (2004) et l’hôtel Lambert (2013).

La troisième fois, c’est une faute et la question se pose alors : qui l’a commise et pourquoi ?

2. La désaffection des
communs

Pour Notre-Dame, on trouvera peut-être des lampistes, mais la raison est budgétaire : trop peu d’argent, trop tard et, finalement, ce sera beaucoup plus.

Pourquoi ?

Ce n’était que des vieilles pierres. On n’aura pas voulu dépenser plus qu’il n’était nécessaire. En vérité, c’était de l’indifférence. Une tête de gargouille par terre, quelle importance ? Il y en a tant.

Comme si c’était un problème d’esthétique !

Dans l’industrie, on le sait bien : en matière de sécurité, c’est tolérance zéro et sinon, dans une raffinerie par exemple, on risque l’explosion.

Eh bien, nous le savons maintenant : l’entretien des bâtiments qui font la France est à traiter avec le niveau d’exigence requis pour les questions de sécurité.

Il s’agit d’une fonction régalienne…

Il est vrai que ce bâtiment est religieux, qu’on est en république, que l’État se veut laïque et que l’Europe même ne s’avoue pas chrétienne, mais on l’a vu à l’émotion cette nuit et dans le monde aujourd’hui : ce n’est pas de religion qu’il s’agit, c’est de culture.

Winston Churchill disait : “We shape our buildings, and afterwards, our buildings shape us.” (Nous donnons forme à nos bâtiments et, par la suite, c’est nos bâtiments qui nous forment).

C’est de nous qu’il s’agit.
Notre-Dame est un des lieux qui nous unissent et nous unissent au monde. Ce monument est à la fois une page d’histoire et une aspiration commune.

Témoins et commentateurs sagaces ont répété à l’envi que cette vieille cathédrale fait partie de notre « patrimoine ». C’est là un mot qui la réduit à une question d’argent et la traite comme une composante de l’activité touristique.

Or il n’y a pas de prix pour ce qui est commun. C’est quand il est perdu qu’on s’en rend compte et peu importe alors comme on se rattrape : quand le couple est brisé, dans les esprits le divorce est acté.

Les dons aujourd’hui se multiplient pour Notre-Dame, ou les promesses de dons. Ça suffira peut-être mais ne voit-on pas la dérive ?
Quand l’argent se montre, quand il se montre à ce point qu’il s’exhibe, ce n’est plus de communion qu’il s’agit : c’est dans les budgets de communication que l’on puise désormais à pleins seaux. Comme les pompiers avec leurs lances à eau, c’est un incendie qu’on éteint mais celui-là est politique et social. Il y a de la crise dans l’air, du respect qui se perd et des rumeurs de chacun pour soi.

Il faut absolument rétablir l’ordre.

La maire de Paris veut que la cathédrale soit nickel en 2024 pour les Jeux Olympiques.
Le président voit dans ce sinistre une occasion de se montrer volontariste.
Un commentateur mesure la surface du bâtiment en stades de foot.
Les milliardaires se font concurrence pour afficher d’écrasantes générosités déductibles, soit à 60 % des donations forcées sous forme de taxes et d’impôts pour chacun.

Complément significatif ce 17 avril 2019 à 11 h : la famille Pinault vient d'annoncer qu'elle renonce à la réduction d'impôt sur son don.

Et il n’est pas jusqu’aux GAFA qui ne s’annoncent prêts à négocier leurs dons contre une réduction des pénalités annoncées pour évasion fiscale.

Nous sommes tous responsables de cette situation.
Jusqu’à ce 15 avril 2019, tout le monde se disait que ça pouvait attendre : y’avait pas l’feu !
Eh bien, si, il y avait.
Il a eu lieu la nuit dernière, et ce sera pire encore si c’est ainsi que nous traitons ce qui pour nous est promesse de paix : ce et ceux qui nous sont communs.

Il va falloir raisonner autrement. Y’a l’feu !

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